VAGABONDAGES SPIRITUELS 2

J'ai renoncé à mes mauvais penchants, je suis tombé de l'autre côté.

Je ne pense plus au sexe mais je souffre de douloureuses érections.

J'ai été séduit pat les mystiques les plus abracadabrantes.

Je trouve Seth tellement plus glamour qu'Osiris.

Maât est séduisante mais inaccessible.

Un croyant passe sa vie à espérer des miracles inconcevables.

Rien d'anormal à tout cela.

Il chantait en travaillant, ne jurait pas quand il se donnait un coup de maillet sur les doigts.

Ses collègues le tenaient pour un sculpteur d'exception. En Egypte, un sculpteur est qualifié d'accoucheur. Au bout de tant d'années, notre homme ne savait plus s'il était accoucheur ou accouché., sage-femme ou parturiente. Il priait la grosse Opet quand il coupait le cordon ombilical qui reliait la statue à la carrière.

J'ai passé une grande partie de ma vie à l'attendre. J'espérais beaucoup de cette rencontre qui ferait de moi un être accompli.

Quand je suis arrivé devant sa maison, les volets étaient clos, le jardin à l'abandon.

Il n'est pas là ? ai-je demandé.

Il m'a répondu : Si, il est là mais il n'existe plus.

J'ai consulté l'astrologue le plus réputé de Waset sous le règne de Thotmès II.

Que veux-tu, savoir ? me demanda-t-il.

Rien, je suis au mieux avec les dieux, ma femme, mes enfants mais je ne sais pas si cela va durer encore longtemps.

Tu as bien fait de venir me voir, je vais tout changer et mettre un terme à ton impudente sérénité.

Amenhotep Fis de Hapou ne faisait jamais ses courses à la supérette du coin.

Il préférait avoir affaire aux petits marchands des rues qui proposaient œufs, olives, grenades, salades bien craquantes et légumes qu'un démiurge local venait d'inventer. Pour régler ses emplettes, il sortait un scarabée en faïence ou une amulette en argent.

Tiens, disait-il, je sais que tu n'as pas besoin de cette amulette mais tu pourras toujours l'échanger contre une bonne parole, une caresse, un encouragement à continuer à mener la vie d'un honnête producteur de fruits et légumes.

Ce jeune officiant du rituel de la quatrième heure du jour fut renvoyé quand il déroba un lotus sur une table d'offrandes. Plus grave, il confondait l'Orient et l'Occident et s'adressait aux dieux un peu trop familièrement.

Désœuvré, sa vie ayant perdu tout sons sens, il se mit à écrire le Livre des deux chemins où il confondit la droite et la gauche, le centre et la périphérie, la lumière et l'obscurité.

Bien des défunts s'égarèrent dans ce texte où il était impossible de se repérer, de s'orienter, de s'en tirer à bon compte en évitant de tourner en rond.

Parvenu au bord de la falaise, je ne me décidai pas à sauter.

Le vide est une réalité non altérée.

Je n'ai pas le vertige et n'ai aucun mérite à rester au bord du précipice.