Une éternité provisoire
- scakhepri
- 20 oct.
- 2 min de lecture
L'archéologie est-elle une science, un art, un sujet d'étude pour esthète mélancolique ?
Ce qui me concerne en Egypte s'acharne à rester difficile d'accès comme cette étrangeté sourdant des pierres à la manière du salpêtre. Les blocs tombés dans la poussière ne sont pas ceux d'un ancien temple, ils ont été oubliés par des bâtisseurs négligents qui pourtant avaient commencé à y inscrire des hiéroglyphes.
Un panneau interdit l'entrée sur le site, le présentant comme dangereux avec chutes de pierres ou sournoises excavations, tout ce qui le rend irrésistible. Les monuments ont un destin de rebelles s'ils ne parviennent pas à se dérober à une entropie galopante.
Le gardien était à son poste depuis le règne de Sénouseret II. Pendant toutes ces années, il avait dormi sur le chantier et veillait sans relâche sur le site que nul prêtre n'avait désacralisé. Dans la fraîcheur de l'aube, il tirait sur son corps une couverture que son épouse avait tissée pour lui alors qu'ils étaient encore très amoureux.
Le souverain n'avait jamais mis les pieds sur ce téménos. Il avait confié le rituel d'ouverture à un oncle maternel assez vieux pour être aimé des dieux et des déesses. J'étais là aussi, je me souviens que j'a souhaité ne plus partir d'ici tant j'étais peu sûr de pouvoir exister ailleurs. Je me tenais sur la trajectoire de la barque sacrée. Un moment, je craignis de me réveiller dans un décor sur le point de s'effondrer au moindre coup d'épaule.
Le gardien refusa de me révéler où les derniers prêtres avaient caché la statue de la divinité tutélaire. Etait-elle sous mes pieds, à moins d'une coudée de la surface ? Il se peut aussi qu'elle se soit réfugiée dans une des étoiles de la constellation du Scorpion.

Tous les jours, je remettais mon départ au lendemain, je me laissais glisser avec Kemet dans une éternité provisoire et je logeais dans un palace au pied des pyramides.





Commentaires