C'était un petit dieu de second plan, plutôt un des ces Génies évoluant aux franges de la mythologie et des zones d'ombre des religions.
Il se manifestait furtivement les nuits où les structures avaient tendance à se fissurer pour laisser le champ libre aux perspectives non linéaires.
Si on le compare avec les netjerou du royaume, on ne peut pas parler d'effroyables différences mais plutôt d'une redéfinition des critères de la divinité. Il n'était pas en conformité avec la réalité divine, si toutefois on peut ici parler de réalité. Le paradoxe n'est pas dans le mystère mais dans l'ineffable.
Ceux qui l'avaient aperçu livraient aux enquêteurs des témoignages confus, contradictoires, plus proches de la stupeur que de l'étonnement et menant aux pires embarras théologiques. Il ne présentait pas de dangers immédiats mais avec un non-humain de brusques revirements sont envisageables.
Dans l'enceinte du temple il pénétrait partout, même dans le naos ou les plus profondes des cryptes.. Le plus souvent il se trouvait dans les jardins et plus spécialement dans les potagers qui fournissent fleurs et légumes pour les tables d'offrandes. Un jardinier précisa que sa peau avait l'odeur du limon et le parfum des eaux de la crue.
Il parlait une langue fluide proche de celle que parlaient les Occidentaux quand ils traversèrent le Grand Désert. Il usait parfois de tournures de langage propres aux dieux lupins ou encore de ce qu'on nomme la Langue des Oiseaux. Le problème est qu'il parlait si doucement que les oreilles humaines avaient du mal à saisir ses propos. Les scarabées, eux, n'avaient aucun problème mais ils refusaient de traduire ses messages, arguant que tout irait bien tant que les humains resteraient dans l'ignorance de certaines subtilités.
Pépi, le petit garçon d'un serviteur du temple, prétendait que le Génie, quand il voulait être tranquille, trouvait refuge dans le miroir d'électrum d'une prêtresse d'Hathor Noubet. Lové là comme un chat dans sa corbeille, il attendait que ses détracteurs s'éloignent et que ses thuriféraires lui adressent des glossologies. Pépi était un enfant très prometteur qui savait dépasser les limites du vraisemblable et apprenait aux statues de bronze à parler le langage des créatures frôlées par les ailes des Sphinx.
Nous n'avons certes pas fait le tour de la question. Les recherches s'arrêtèrent avec la mort du dernier prêtre d'Aset à Philae pour reprendre aux XIXe siècle quand Alan Kardec se mit à vaticiner sur la survie des dieux et des génies de l'antique Kemet. Il affirmait qu'ils n'étaient pas morts et que leur période d'occultation venait de prendre fin.
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