C'était une organisation complexe et mystérieuse dont le roi même ignorait l'existence. Elle disposait de moyens considérables mais n'exerçait que très rarement son influence sur le monde profane. Elle ne s'intéressait pas aux choses essentielles mais à celles qui doivent rester cachées pour que le royaume ne s'engouffre pas dans une brèche.
Quand les affiliés se réunissaient, ils ne parlaient pas de mystique, de dieux, de spiritualité mais les mots qu'ils utilisaient avaient un double, voire un triple sens. A chaque génération, certains membres venaient d'ailleurs mais ils ne révélaient jamais rien de leurs origines, ce qui en faisait des êtres remarquables dotés d'un puissant magnétisme.
Rester caché n'est pas facile dans une société où pullulent les putois. Pour cela avait été mises au point des stratégies de détournement, de contournement, des écrans miroirs, de fausses révélations ayant l'air d'être vraies.
Un de leurs moyens de camouflage consistait à s'installer là où on ne les attendait pas. Ils n'étaient pas invisibles mais indétectables. Les uns parlaient la Langue des Serpents, les autres celle des Cynocéphales, deux très anciens moyens de communication orale qui introduisent dans le quotidien des notions et des paramètres que même les Dieux et les Esprits ne peuvent contrôler. Les hiéroglyphes sont la forme simplifiée de ce médium seulement accessible à certaines heures de la nuit, à l'aube et au crépuscule.
Personne ne connaissait les instances dirigeantes de l'organisation. On savait seulement qu'elles cultivaient l'éphémère, les ondes se répercutant contre les statues en électrum, les mots attachés à l'indicible, les chants qui rendent les hasards favorables, les jours fastes et les humeurs adaptables au pire et au meilleur, les phrases insignifiantes énonçant les choses les plus fortes.
On reconnaît un être intelligent à la qualité de ses silences, au rythme lent de ses prosopopées. Ainsi a-t-il tout le temps de devenir ce qu'il n'a jamais été en parlant de tout et de rien, en fuyant la promiscuité tout en évitant de s'enfermer en soi-même. La Mort n'était pas perçue comme une catastrophe, un échec mais comme un dommage collatéral vite oublié quant il était passé par un rituel funéraire performant où les pleurs sont asséchés par la danse et l'intensité magique des incantations.
Un de leurs adages était : Le futur n'est pas une menace mais un potentiel de précieuses ressources.
L'Ami Unique, mentor du roi Akhnaton, dirigea l'Organisation pendant six décennies et la porta à son apogée. Depuis, l'aventure se poursuit mais on n'a pas retrouvé une telle splendeur. Les hypothèses continuent à fleurir. Certains auteurs du XXe siècle frottés d'Hermétisme ont laissé quelques indices.
Aurons-nous la force d'aller plus loin ?
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