La prêtresse de Maât était horrifiée chaque jour d'avantage. Sa déesse était profanée par la violence, le mensonge, la cruauté, la cupidité.
Elle cherchait un moyen de la préserver des attaques, de la soustraire à ce qui était encore pire que le désordre.
Partout, Kaï passait inaperçu. Il cultivait des fleurs destinées aux tables d'offrandes. Il passait des heures à soigner ces créatures aussi fragiles qu'éphémères , à les caresser, les aimer. Il leur racontait des histoires pour les endormir, répugnait à les couper. dans son bassin il nageait entre les lotus en prenant soin de ne pas les blesser. Il pensait qu'un bleuet minuscule est plus précieux qu'un soleil à la dérive.
Il savait qu'il existait même si ce n'était pas évident tous les jours. Il était moins sûr de l'existence de ce qui n'était pas lui. Il se demandait si nous avions vraiment besoin de l'existence des dieux et autres créatures surnaturelles. Ils existent parce que nous pensons à eux mais eux, pensent-ils parfois à nous ?
Idout ne supportait pas que les portes soient fermées. Elle ne s'arrêtait jamais sur un seuil où l'on peut être happé par une de ces entités voraces qui s'accrochent aux lieux de passage et convoitent la chair et l'esprit des voyageurs. Après son pèlerinage en Abydos, elle écrivit un texte essentiel à la compréhension des obstacles? Il s'intitule Le Livre des Portes.
Depuis qu'il était enfant Izi dépoussiérait avec un chiffon de lin humide les statues embusquées dans les temples. Personne ne lui avait jamais parlé des divinités et des monarques figés en apparence dans la pierre ou le bronze. A force de les caresser il en était arrivé à les connaître parfaitement. Il sentait le sang circuler dans leur veine de pierre. Elles étaient plus vivantes que ses frères et ses sœurs, chaque nuit, elles rajeunissaient.
Padiouf et Ioupout âgés de 12 et 13 ans, étudiaient dans la même Per Ankh installée dans une cité sainte de Moyenne Egypte. Apprendre à dessiner les hiéroglyphes n'était pas déplaisant mais ils préféraient courir la campagne et chaparder des fruits dans le verger des dieux. De jeunes paysannes les apostrophaient et ils rêvaient de les jeter à terre pour les faire glousser comme des poulettes de Syrie. Comme ils nageaient dans le fleuve, ils furent happés par une famille de crocodiles.
Le temple venait d'être achevé, le rituel d'ouverture des portes n'avait pas encore été pratiqué. Un séisme le détruisit en quelques secondes. Le Maître d'œuvre pleura en maudissant les divinités du monde souterrain. Assis dans la poussière, entouré de ses meilleurs artisans, il commença à dresser le plan d'un nouveau temple consacré à Pega, Tatenem et Aker qui contrôlent la tectonique des plaques et la dérive des continents. Auraient -ils l'audace de détruire leur propre temple ?
Le soc de la charrue heurta quelque chose de dur. Le laboureur pensa à une grosse pierre. C'était la statue haute de deux coudées d'une déesse noire surgie des profondeurs de l'univers. Il la redressa et construisit autour d'elle une hutte de roseaux et de papyrus. Alentour, les champs n'avaient jamais été aussi verts. On prétend que ce laboureur est entré vivant dans l'éternité.
Elle lisait le texte par-dessus l'épaule de sa compagne d'étude. Elle n'en croyait pas ses yeux. Qui avait osé écrire une prophétie aussi épouvantable prétendant que les dieux quitteraient l'Egypte et que leurs fidèles seraient persécutés par des fanatique adeptes d'un dieu unique ? Les temples seraient détruits, les prêtres décapités, les statues brisées. Autant croire que les étoiles allaient tomber du ciel ! Elle s'empara du papyrus et le jeta dans le feu. Il se consuma jusqu'à la dernière fibre. Une prophétie qui ne peut être lue n'existe pas.
Quand on vint la quérir pour la conduire sur les lieux mystagogiques elle était morte. La Mère des dieux déclara : Nous n'aurons plus besoin de l'occire, de lui infliger les épreuves rituelles, elle a contourné les obstacles. Je n'en attendais pas moins de cette fille d'une effrayante beauté qu'à sa naissance j'ai nommée Isis-Aset.
La prêtresse de Maât examinait attentivement le monde. S'il fallait choisir entre lui et la déesse, elle n'hésiterait pas une seconde. Elle la sauva du désordre en la plaçant sous la protection d'une certaine Mafdet, une genette sœur jumelle de Seshet. Avec elle, elle veillait sur les bibliothèques et les prêtres lecteurs. Elle déchiquetait ceux qui n'aimaient pas les rouleaux de papyrus et les ennemis de la connaissance si particulière offerte par Djéhouty.
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