Que se serait-il passé si les maçons de l'Ancien Empire n'avaient pas inventé la forme pyramidale ?
Où se trouve la ligne de partage entre ce qui a été et ce qui aurait pu être ?
Qui nous dit que les histoires qu'on nous raconte sont vraies ? Snefrou, le bien aimé des dieux et des hommes et Khéops, le tyran qui prostitue sa fille pour payer les blocs de son pseudo-tombeau...
L'Histoire est rarement écrite par un témoin direct mais par l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours. N'oublions pas les historiens peu scrupuleux qui, au service d'une idéologie, déforment volontairement les faits et enfilent les mensonges comme des perles. Plus le mensonge est gros et plus il a des chances d'être cru pendant des siècles ou même des millénaires.
Les Egyptiens se sont bien gardés d'écrire une histoire événementielle, fidèle à la réalité des faits. Ils ont préféré les fables, les mythes, les narrations où le sacré l'emporte sur le profane et le désir sur les regrets. Pas de continuum historique, à la mort d'un souverain le temps s'arrête. En l'An 0 un nouveau règne commence. Les anciens rois deviennent des Ancêtres inscrits dans un temps aussi flottant que mythique. Ils vivent loin de la terre, dans les étoiles, ils ne dérangent plus personne. On les confond puis on finit par les oublier.
J'ai remarqué que les Egyptiens actuels ne parlent jamais de leurs morts. Ils vivent dans un présent où les défunts n'ont pas leur place. Mais au fond, en est-il autrement en Occident ? Le plaisir malsain de la commémoration efface la douleur de la perte. Qui se souvient de ses arrière grands-parents ? La notion d'Ancêtres n'a jamais été aussi éthérée. Nous nous soucions de nos Ancêtres comme d'une guigne. Nous n'en gardons aucune trace sur nos cartes-mémoire. Un peu de temps encore et nous ne pouvons plus être rattrapés par le passé.
Alors resurgit la tentation de l'uchronie et le règne de l'imaginaire. Faisons-nous peur ou faisons-nous plaisir. Inventons tout ce qui aurait pu arriver si Akhnaton avait réussi sa révolution mystique, si Cléopâtre, à Actium, avait foutu une pâtée à Octave, si J.F. Champollion s'était passionné pour les glyphes des Mayas au lieu des hiéroglyphes des Egyptiens, si la théocratie pharaonique avait été fondée sur le pouvoir temporel et non spirituel.
Une seule uchronie me glace le sang : Que serait-il advenu du monde si la civilisation égyptienne avait été étouffée dans l'œuf ? Que les Grands Ancêtres de Pount nous préservent d'un tel délire !
Sans les millénaires de l'histoire pharaonique, je préférerais ne pas exister. Je suis prêt à accompagner Bonaparte lors de sa campagne d'Egypte, même si j'eus préféré qu'on le guillotinât sous la Terreur.
Nous aurons toujours de nouveaux Alexandre enclins à se vautrer dans des empires virtuels fragilement construits sur des effets numériques.
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