Pasanesu était accablé d'un psychisme défaillant, son Ka ne fonctionnait plus que par intermittence. Quand il volait, ses ailes n'étaient plus assez puissantes. Le KA est un capital que la vie grignote peu à peu.
Pasanesu eut soudain l'impression de n'être plus suivi par personne. Il ne savait plus où était sa place dans un monde qui, pour lui, ne ressemblait plus à rien. Les rives s'étaient éloignées, le fleuve, envahi par les jacinthes d'eau, coulait lentement. Encore un peu de temps et tout serait immobile, sans consistance, sans déesses maternelles, sans animaux sacrés, sans forces contradictoires.
Pasanesu n'explorait plus que des absences, il devenait une silhouette s'éloignant dans le brouillard. Il ne pouvait sortir de l'ombre des pylônes, Khaïbit bienfaisant où l'on échappe à la douceur quand on commence à disparaître, à échapper à la surveillance des Guetteurs. Même les plus fins connaisseurs de la pensée thotienne ont du mal à bien définir la nature du Khaïbit. Il se tient dans une zone d'ombre qui ne s'apparente en rien à la Ténèbre mais plutôt à une fin de crépuscule quand s'estompent les ardeurs d'un soleil carnivore.
Il n'était plus question de revenir en arrière. Il fallait laisser mûrir la momie, ne pas laisser s'éteindre la Feu dans l'athanor mais attendre la dernière limite avant de le relancer.
Pasanesu comprit qu'il souffrirait tant qu'il n'aurait pas lâché prise et accepté la nécessité de l'Imprévisible capable de survenir aux moments les plus inattendus. La loi des répliques est plutôt rare dans le monde manifesté. Les dieux de Kemet ne se figent pas dans une forme unique. Les montagnes s'effondrent de l'intérieur. Contrairement à toute attente, Pasanesu était toujours vivant.
En Egypte, on ne disparaît pas aussi facilement.
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