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Retour sur le mythe osirien

C'était un voleur avisé. Il dérobait des signes, des mots, des hiéroglyphes à l'intérieur des mots. Personne ne put percer son identité. Il ne se prenait pas pour lui-même. Il avoua seulement qu'il était un autre. Tout ce qu'il savait, tout ce qu'il ignorait lui avait été appris par Amenhotep Fils de Hapou. Avec un tel mentor, tous les dérapages sont possibles. On peut faire des pieds de nez aux dieux, aux rois, à ceux qui sont persuadés qu'ils exercent un pouvoir et à ceux qui se cachent par crainte d'être percés à jour.


Il voulait seulement devenir un autre. Il s'efforça de dissoudre son identité vibratoire. Il lui fallut beaucoup de temps pour comprendre que c'était impossible. Il se disait tous les matins : Je suis 3 scarabées, j'épuise toute la gamme des pluriels, je suis un embrouillamini de systèmes multiples. Serait-il possible que nous portions le même nom au fil des millénaires ?


Il tenta de décrire le monde tel qu'il pensait l'appréhender, loin de la réalité immédiate. La fuite éperdue est le mode opérationnel de la pensée égyptienne. On pense pour oublier qu'on n'existe pas en continu, les périodes de disparition risquent de s'intensifier, il reste à méditer les insignifiances.


Seth renifla les signes et les cartouches abandonnés au bord des pistes du Grand Désert. Autant de preuves d'une discontinuité qu'il affectionne, d'une fragmentation obligeant à un retour sur soi-même, à un affrontement avec le monstre. Aset ne lui avait pas dit que la fragmentation est hasardeuse et ne mène qu'à des temples en ruines. Comment rendre la vie plus légère ?

Seth frémit à l'idée que la parole perdue ne puisse être retrouvée. Dans le clan des Netjerou inverses, on ne propose pas de solution, on insiste sur les contingences du langage, sur la singularité des perversions, sur la beauté intrigante du mal.


La prêtresse d'Aset rédigeait des gloses sur le mythe osirien. Elle s'attachait à certains aspects moins connus de l'histoire comme les rapports affectifs entre les deux frères, le rôle joué par Djéhouty ou Sobek, l'influence de la Lune sur la marche des évènements, la difficulté pour établir l'identité d'un corps décapité et démembré.

Plus que tout, elle voulait mettre l'accent sur la nature même de l'énigme osirienne, son impact sur les fidèles du dieu vert ou de son épouse noire. Le secret ne se cachait pas dans des métaphores mais dans l'intensité de la haine, de l'amour, des attirances et des répulsions, dans l'obstination ou l'abandon, dans la volonté de mettre un terme au mythe de l'éternel retour. Ce n'est pas l'amour mais la Magie qui finit par régler problèmes et conflits. Dans le cas qui nous occupe, on peut parler de Magie amoureuse, de sortilèges érotiques, de mélanges d'odeurs corporelles, de menstrues et de sperme, de deux corps qui s'embrasent au moindre attouchement.





Le mythe fait resurgir des paysages anciens, des incantation oubliées, les premiers dieux à la peau sombre, des magiciens battant des ailes, des Héros livrés en pâture à des ogres gloutons. Les péripéties s'ajustent sur l'imprévisible. Soudain s'abat sur Kemet une lumière froide. Aset et son rejeton se réfugient dans une hutte de roseaux. Aset retient son souffle mais ne ferme pas les yeux. Les mâchoires du piège sont sur le point de se refermer quand la porte soudain s'ouvre sur un jardin où se promène le dieu des arbres et du grain qui interdit au serpent de digérer le lièvre.

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