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RENEFER ET OUR-MAOU

Une fois le Vide obtenu, il faut l'intensifier jusqu'à ce que sa transparence soit parfaite. Renefer était un vieil ami d'Our-maou. Ensemble, ils avaient pérégriné dans tous les sanctuaires de Kemet, des plus prestigieux aux plus discrets, des plus religieux aux plus ésotériques, des plus lisibles aux plus troublants.


Our-Maou ne quittait plus la ville sainte, Renefer ne restait jamais plus de quelques jours dans une enceinte sacrée. Parfois, pendant plusieurs décades, il disparaissait dans le désert ou dans un état intermédiaire dont lui seul connaissait l'accès.

Il louvoyait entre les Petits et les Grands Mystères, entre les niveaux qui s'enchaînent et ceux qui génèrent les ruptures.

Toutes les expériences humaines pouvaient être prises en considération mais les plus utiles restaient celles qui permettent de sortir des limitations humaines. Une statue de pierre est souvent plus vivante qu'un être de chair, de nerfs et de sang car elle actualise ce qui est antérieur à la création ex-nihilo. Son champ de vision et d'action dépasse les limites de l'espace circonscrit et celles du temps ordinaire.


Renefer et Our-Maou considéraient à juste titre que leur amitié n'avait atteint ni son apogée ni ses limites. Ils n'étaient pas côte à côte mais face à face, pas en opposition mais en résonance, dans un contexte où le définitif n'est guère envisageable.

Un jour, ils avaient consulté un devin fiable parce que modeste et ne croyant pas en un futur qui demeure toujours aléatoire. L'homme, aimé des dieux nageant entre deux eaux tenait des propos dont l'objectif premier était de surprendre, de déstabiliser : Ne ramenez rien aux catégories du vrai et du faux. Les systèmes clos pervertissent la pureté des intentions. Pour un bon démiurge, la création reste une hypothèse parmi d'autres, une option qui ne risque pas de réduire les énigmes.


Pour la construction d'un temple, Our-Maou recommandait de commencer par le toit. Renefer conseillait de ne pas construire de temple pour ne pas imposer de structures rigides à des divinités qui, de toute façon, n'aimaient pas se laisser enfermer dans un naos susceptible d'être privé de rotation.


Les deux amis ne se laissaient pas envahir par les contradictions principales et secondaires. Ainsi gagnaient-ils en souplesse en neutralisant les données qui enrayent le mode opératoire des métamorphoses.


En officiant dans les différents temples d'Héliopolis, Our-Maou débusqua des divinités inédites en attente dans la matière. Renefer en installa 9 dans son cœur JB, ce qui leur permit de passer dans le monde sensible et de se manifester au moyen des images.

Il existe dans l'univers des forces répétitives qui maintiennent la cohérence entre les plans de manifestation. A Iounou, ces forces pulsent à l'intérieur de la Pierre Benben enracinée dans un terreau affiné à l'extrême par des artisans venus à bout de toutes les difficultés techniques. Quand il tomba sur la terre, le Benben se brisa en plusieurs morceaux. Le plus gros resta sur place à Iounou, dans un fragment plus petit fut creusé le sarcophage installé dans la chambre aérienne de la pyramide de Khéops. Peu de personnes connaissent l'existence de ce meuble unique où l'on ne couche pas la momie d'un roi mais le corps des mystes qui n'ont pas froid aux yeux et ne redoutent pas les brûlures d'un soleil noir invisible dans le ciel et non-soumis aux lois de l'entropie.


Renefer n'envisagea jamais de dormir toute une nuit dans ce sarcophage mais il aimait, de temps à autre y faire la sieste en compagnie d'une chatte noire qui squattait l'intérieur de la pyramide avec quelques scorpions et tout un clan de chauve-souris.

Il prenait ce risque parce qu'il savait que ce sarcophage n'était pas un système clos obéissant aux lois ordinaires de la physique. On n'installe pas une rampe de lancement dans un milieu dépourvu d'ouvertures sur l'extérieur.

Une fois par an, Our-Maou pratiquait ici un rituel destiné à repousser la mort thermique et à maintenir les bonnes distances entre le sarcophage et certaines zones ultra-sensibles de la constellation de la Carène sur laquelle est aligné le temple d'Hathor à Dendera, nommé l'Héliopolis du Sud.


Ce qui passionnait nos deux compères était de mieux cerner les influences venues des zones du ciel les plus lointaines de la planète et aussi de notre subconscient qui prend sa source dans le Akh et tire son énergie du Ka.


Renefer et Our-Maou avaient poussé assez loin leurs investigations pour se permettre de faire un doigt d'honneur à la mort et de se rendre suffisamment imprévisibles pour bénéficier d'une liberté non négligeable quand on est contraint de traîner sur la terre en espérant qu'une rencontre avec le Trismégiste permettrait de rendre transparents les obstacles, de naviguer sans passer par-dessus bord, de marcher jusqu'à l'usure complète des semelles.


Ils avaient choisi la date exacte de leur départ mais des évènements imprévus contrarièrent leurs plans. Comme ils ne voulaient pas s'engager dans une impasse, ils se détachèrent des contingences, mirent au point des ripostes, s'installèrent dans cette zone de confort où la Magie et l'Alchimie peuvent écarter les chocs en retour mettant un terme aux expériences les plus audacieuses et les mieux préparées.

Sur un sol vierge, ils déposèrent leur matière première et, à l'aube, partirent dans les champs de lin pour recueillir la rosée qui servirait aux imbibitions.

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