En tombant sur cette image, j'ai eu envie de lui donner le titre d'un film de S. Spielberg : Rencontre du 3e type tant elle peut paraître singulière, surtout aux yeux d'un spectateur qui ignorerait tout de l'Egypte.
J'aimerais aussi la soumettre à un enfant.
Et vous qu'en pensez-vous ?
Le plus intriguant est cette créature hybride considérant un homme qui lui fait face.
Est-ce un dieu, une déesse, un génie de l'au-delà, un monstre, une entité sortie de l'imagination d'un scribe des contours - un dessinateur de vignettes - qui aurait un peu forcé sur les psychotropes ou les plantes enthéogènes ?
Elle se trouve dans le Livre des Morts du sieur Ouserhetmès qui vivait sous la XIXe dynastie. Le Papyrus est aujourd'hui au Caire, peut-être dans le nouveau Musée dont nous attendons depuis longtemps et fébrilement l'ouverture !
Dans ce Livre dont le titre exact est Chapitres de la sortie à la lumière, il est vrai que l'on croise bien d'autres créatures étranges, accompagnées de textes qui ne sont pas toujours limpides mais demeurent fascinants.
Une vieille croyance que partagent nombre de religions prétend qu'après la mort, dans un au-delà qui reste à définir, on rencontrerait les entités auxquelles on a cru de son vivant et en qui on place tous ses espoirs de résurrection. Les Chrétiens rencontrent Jésus, les Musulmans le Prophète Mohammed et les Egyptiens des formes de vie comme celle-ci qui nous laissent pantois et qui, sans doute, viennent d'une autre planète.
Le pieux Ouserhetmès ne semble pas plus étonné que cela. Il l'observe avec attention et de ses lèvres closes ne sort nulle prière. Les Egyptiens ne croient pas aux vertus bénéfiques de la prière, ils préfèrent le contact direct et le langage des gestes. Les divinités de Kemet aiment le silence et n'apprécient guère les quémandeurs.
Il tend vers la créature ses deux bras chargés de bracelets, la paume tendue vers l'apparition.
On interprète cela comme une prière, en fait il lui dit bonjour en accomplissant un geste qui est un échange énergétique. On sait que l'énergie du corps s'échappe par la paume ouverte des mains.
Notre homme est un notable vêtu de la longue robe de lin blanc qu'on portait à la Cour. Il est pieds nus, la plante des pieds posée bien à plat sur le sol. Ainsi se charge-t-il du magnétisme de la Douat.
Il porte un somptueux pectoral qui diffuser devant lui la lumière du dieu solaire.
On note que son oreille est bien dégagée de sa lourde perruque. S'il n'y a rien à dire, il y a peut-être beaucoup à écouter !
Un bandeau entoure sa tête, complété par deux cordons à pompons pendant derrière lui.
Ce bandeau atteste qu'il est initié aux Mystères et appartient à une Fraternité mystagogique.
Pour attirer l'affection de la divinité et l'amadouer, il n'a pas oublié d'apporter des offrandes: un lotus surdimensionné à gauche, une belle laitue de Min à droite et sur un gracieux petit guéridon deux pains encadrant un cruchon contenant de l'eau lustrale.
Quand on est invité quelque part, il serait malvenu d'oublier de se munir de cadeaux qui font toujours plaisir à un hôte.
On ne peut s'empêcher de penser que tout ce matériel évite un contact direct avec la créature, installe une distance respectueuse entre deux protagonistes qui ont encore besoin de s'apprivoiser.
La créature hybride n'a pas un air très engageant. C'et bien un monstre avec un corps d'hippopotame, une gueule et une queue de crocodile, une mamelle piquant vers le bas, une lourde perruque et des pattes de lion. On ne saurait imaginer plus hétéroclite ! C'est une des divinités hippopotame de Kemet dont la plus connue est TAOUERET, la Grosse, chargée de protéger les femmes en couche et les bébés. Un mort n'est-il pas aussi un nouveau-né !
S'il n'était pas pieds nus, Ouserhetmès serait dans ses petites sandales. On ne sait pas encore s'il à l'intention de faire un pas de plus. Peut-être la repousse-t-il avec ses bras tendus... Les hippopotames, les crocodiles et les lions ne sont pas des animaux très commodes et leurs attaques peuvent être foudroyantes.
Mais c'est moi qui lui prête ces pensées impures. Il connaît bien son panthéon, il est prêt pour une rencontre du 3e type d'autant que la déesse pousse vers lui deux objets à forte teneur magique, un sceptre Was et un nœud SA.
Le Was est une arme indispensable à la protection du monde ordonné, il fait communiquer le haut et le bas, donne le pouvoir du renard, canalise les énergies et procure les forces pour voyager dans la Douat.
Le nœud SA est le fluide de vie lancé par les démiurges lors de la création.
Le mot signifie salut, conservation, défense. Tant qu'il circule bien dans le corps, on ne risque pas d'être malade. Ouserhetmès ne craint plus d'être bloqué, il n'a plus rien à redouter du monstre hybride, devenu son allié dans les évènements qui vont suivre.
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