Cette commère d'Hérodote a prétendu que les Egyptiens étaient le plus religieux des peuples. Pour autant, ce fichu peuple n'a pas pris la peine de créer le mot "dieu", enfin ce qui correspond pour nous à cette créature, entité, concept... avec une majuscule pour les monothéistes, une minuscule pour les polythéistes et un tas d'idées reçues pour tout le monde.
Quand ils parlent du Lui, les Kémitiens usent du vocable NETJER que nous allons tenter d'investir, de contourner, de décortiquer, de déshabiller mais certainement pas de définir une fois pour toutes. Les penseurs égyptiens abhorrent les définitions qui, pour eux, ne sont rien d'autre que des limitations ou de maladroites tentatives pour fournir une explication convaincante à des intelligences limitées ou dépassées par la réalité ou la non-réalité divine.
Je suis et je ne suis pas, prétend le vieux TEM héliopolitain. Une telle affirmation nous laisse pantois mais ouvre des perspectives hallucinantes, surtout si nous usons avec art et d'infinies précautions de substances enthéogènes.
Pas de théologiens dans les temples égyptiens mais des Mages ou Magistes envisageant la création avec une approche d'essence magique. Nous reparlerons souvent de la Magie, une science pour gérer au mieux ce qui nous échappe et ainsi échapper aux mauvais coups du sort et, dans bien des cas, à une disparition spirituelle.
Donc, les Egyptiens ne disent pas le dieu Thot ou la déesse Aset mais le netjer Hor ou la netjeret Hathor, T étant en hiéroglyphe la désinence du féminin.
Ce mot est un dénominateur commun pour désigner toutes les divinités, quels que soient leurs noms ou leurs modes de manifestation.
Netjer n'est pas dieu mais une puissance cosmique, une énergie particulière, un champ énergétique faisant partie du monde créé. Surtout, elle est ritualisée et n'existe que par le rite, ce qui la rend dépendante du monde des humains pour lesquels de toute façon elle reste mystérieuse et inaccessible, toujours la même et toujours différente.
Le mot exprime la réalité, la fonction et la manifestation temporelle de la divinité.
Le terme existe depuis les origines de l'histoire égyptienne et son étymologie opaque résiste à l'interprétation, ne se rattache à aucune racine linguistique identifiable.
Le signe le plus courant pour écrire le mot est un petit drapeau ou oriflamme à la hampe entourée de bandelettes. Comme pour les momies, les bandelettes de lin ne véhiculent pas une idée de mort mais de transformations, de métamorphoses.
De quoi s'agit-il ? De la bannière d'une divinité que l'on dressait sur les pylônes des temples.
La bannière flottait quand elle était présente dans sa maison comme le drapeau anglais sur le palais de Buckingham lorsque la reine réside à Londres.
Il peut aussi être question de drapeaux que l'on plantait dans le sol aux quatre orients d'un téménos où l'on allait pratiquer un rituel en commençant par brûler de l'encens. Le mot encens se dit senetjer, c'est à dire ce qui rend divin. On ne peut communiquer avec un netjer que par la mise en œuvre d'un rituel. On ne prie pas un netjer, on lui présente des offrandes et on ritualise devant lui à toutes les heures du jour et de la nuit.
Netjer est une essence divine supérieure qui peut s'incarner dans des formes différentes : le petit drapeau, un corps momifié portant barbe et lourde perruque, un animal hypostase comme le faucon horien, la milane isiaque ou l'hippopotame de Taoueret, une apparence complétement anthropomorphe tel Imn à la peau bleue ou Ousir à la peau noire, une apparence composite comme Inpou qui peut être figuré en loup ou en homme à tête ou masque de loup. Netjer peut encore être une étoile à 5 branches ou un cobra dressé dans le cas des netjeret.
Vous le voyez, la question n'est pas simple et toutes les hypothèses restent envisageables. Au fil de notre voyage, nous reviendrons sur tel ou tel netjer pour l'approcher avec de nouvelles connexions sans prétendre envisager la totalité des 1500 netjerou du panthéon pharaonique.
J'ai mis le netjer dans mon cœur dit Beka, un sage du Nouvel Empire.
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