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Propos insidieux sur les momies

Je voudrais être une momie maléfique qui, la nuit, poursuit les gardiens dans les couloirs des musées.

Je voudrais être une momie facétieuse couchée dans un affreux reliquaire en argent et se faisant passer pour un martyr chrétien.

Si j'étais la momie d'une ravissante prêtresse de Bastet, je serais adulée et caressée par des nécrophiles pervers.


Je ne sais rien de l'activité érotique des momies mais je suis sûr qu'elles ont des pensées impures la nuit au fond des sarcophages.


Allongé contre la momie, je ne vois plus passer le temps. Un peu shooté par le parfum des aromates, j'ai envie d'éternuer. Je suis en train de devenir une matière en transit, je tourne dans le sens inverse des aiguilles d'une montre. Une momie qui n'a pas de Rolex n'a pas réussi son éternité.


Depuis que j'ai fait le vide en moi, je souffre moins d'être confiné dans un étroit sarcophage de cèdre. Le prêtre d'Inpou m'ayant ouvert rituellement la bouche et les yeux avec une herminette, je lui lâchai une bordée d'injures et profitai de mes éructations pour m'envoler à tire d'ailes.



Parfumées comme des cocottes, les momies de la Basse Epoque passent leur temps à tapiner dans les couloirs de la Douat. Seulement 50% des momies féminines sont pures et innocentes. Les momies masculines ne valent pas mieux, émasculées pour en faire des Osiris au rabais, elles ne cessent pas de s'astiquer le manche.


Rien de pire qu'une momie insomniaque. En état d'éveil permanent, l'éternité n'en finit plus de glisser sans vergogne vers un devenir incertain.


La momification a inventé l'ennui de ne pas mourir brutalement. N'être plus rien dans le vide est l'apanage des êtres exceptionnels qui n'ont jamais fait semblant d'être vivants.


J'étais un homme, je suis une momie.

J'étais une momie je ne suis plus un homme.

J'ai fait tout cela pour éviter de servir de compost.


Osiris fut, dit-on, la première momie de l'Histoire. Il aurait mieux fait de s'occuper de ses affaires et de nous laisser pourrir tranquillement ou être boulotté par les insectes nécrophages.


La momie s'est mise à hurler dans sa boite. Laissez-moi sortir et je vous livrerai tous les secrets de la Douat ! Elle mentait puisqu'elle n'était pas morte et n'avait jamais mis un pied bandeletté dans l'autre monde.


Assises au bord du gouffre, deux momies s'entretenaient :

  • J'ai envie de me dégourdir les jambes.

  • J'ai des crampes douloureuses dans les cuisses.

  • J'ai oublié mon nom, mon prénom, mon surnom.

  • Je ne sais pas pourquoi nous sommes installés dans la même tombe.

  • En effet, car nous n'avons jamais été très camarades.

  • Regarde-moi et dis-moi à quoi je ressemble.

  • Je ne sais pas, ils m'ont enlevé les globes oculaires.

  • Crois-tu en dieu ?

  • Oui, à condition que lui aussi soit mort.

  • Le semblable attire le semblable.

  • On aurait mieux fait de te couper la langue. Tu aurais dit moins de bêtises.

  • Avec l'éternité, le temps n'est plus possible. Nous n'avons plus la possibilité de remonter jusqu'à la source.

  • Restons à proximité, une opportunité se présentera peut-être.


Vous n'êtes pas sérieux, me déclara la momie d'un scribe royal.

Vous êtes trop sérieux, lui répliquai-je , on a l'impression que vous avez un calame dans le fondement.

Trêve d'invectives. Allons faire la bringue dans les tavernes à bière des bords du fleuve. Nous avons le temps, le soleil ne se lèvera plus.


Ce que vous dites des momies n'est pas du meilleur goût, me dit le professeur honoraire d'égyptologie. Je ne savais pas encore qu'il vivait avec une sémillante momie de la XIXe dynastie ayant été la maîtresse d'un vizir dépravé.

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