Il n'est rien que j'ignore du ciel, sur terre, dans l'eau.
Il n'est rien que j'ignore du Nil et de Thot.
Textes des sarcophages.
Un fois de plus le mot NIL, NILOS ou NILEUS est d'origine gréco-romaine.
Les Egyptiens le nommaient ITERW.
Il devenait HÂPY, l'Esprit du Nil pendant la crue, un androgyne mâle par son animation et femelle par sa fécondité.
Pour les Anciens, les fleuves sont des dieux et leur source appartiennent aux Nymphes. Un dieu-fleuve qui prend sa source dans le ciel et délimite la frontière entre le monde divin et humain. Une frontière que doivent franchir les Mystes.
Aset est la terre formant le lit du fleuve.
Ousir est l'eau chargée de semences.
Ils disent par ailleurs qu'Iterw est la sueur d'Ousir car les eaux jaillissent de son corps. La plus grande fête d'Ousir se tenait à la fin de l'inondation, peu de temps avant le début des moissons.
Ils affirment encore que le fleuve issu des humeurs ou RDW NETJER du dieu vert était la forme la plus visible du NOUN, immensité liquide de l'Océan Primordial. Une inscription du tombeau de Pétosiris à Tuna el Gabal décrit le pays reverdissant sous l'action des humeurs d'Ousir et de Tem.
A Kom Ombo, la tortue, animal chthonien et séthien, devient bénéfique en recrachant le Nil au moment opportun. Dans ce même sanctuaire, le Nil est donné comme la sueur vivante de Sobek.
Toute la vie religieuse et économique de Kemet est dominée par le retour périodique de la crue, manifestation naturelle qui est l'objet d'un culte national et de la célébration de rites spécifiques qui commençaient en jetant des offrandes et des textes magiques dans le fleuve.
Le Papyrus Harris donne une idée de l'importance considérable de ces offrandes : 470. 000 pains, 879.224 gâteaux, 2564 vaches, 1089 chèvres, 154.672 mesures de fruits d'une seule espèce, des céréales, des fleurs et autres plantes par centaines de milliers. En fin de liste, on cite qu'étaient aussi précipitées dans les eaux une statue d'Hâpy et des statues de déesses liées au fleuve telle Akhet, en or, argent, lapis, malachite, fer, cuivre, pierre, bois. Ce don exceptionnel était considéré comme une hiérogamie ou mariage sacré, destinée à assurer la fécondité de la crue.
L'arrivée de l'inondation coïncidait avec un lever du soleil qui se manifestait à l'aube, près de l'endroit du firmament où l'étoile Soped, Sothis, Sirius réapparaissait après avoir disparu du ciel pendant 70 jours. Ce retour avait lieu le 19 juillet, dès lors considéré comme le premier de l'an. Les eaux commençaient à baisser au bout de quatre mois.
Avec ses 6700 km, le Nil est le plus long fleuve du monde. Il est issu de la confluence de deux rivières, le Nil blanc qui vient de la région des grands lacs africains et le Nil bleu, descendu des montagnes éthiopiennes. Les deux se rejoignent à Khartoum au Soudan. Le Nil blanc fournit 22% des eaux, le Bleu 78%.
Au début de la crue, les eaux du fleuve se colorent de vert car elles sont chargées de matières végétales en putréfaction venant des marécages du sud. Quelques jours plus tard, elles deviennent rouges en charriant la boue ferrugineuse arrachée aux montagnes de l'Ethiopie, à l'origine du limon fertile qui a fait la richesse de l'Egypte, le royaume du blé.
Le LIMON, kahw en égyptien est tenu pour une matière divine donnée par AGEB-OUR, netjer de la fertilité. C'est une alliance de terre et d'eau aux multiples références cosmologiques comme celle du Bélier Khnoum modelant sur son tour les humains avec cette boue sacrée.
Au début le limon est rouge puis, en séchant, il vire au brun rougeâtre et enfin au noir, le noir de Kemet au sein de laquelle s'opère l'alchimie de la vie.
Dans l'Iliade, Homère nomme les Egyptiens Mélampodes, Pieds noirs car ils marchent dans le limon du Nil pour enfouir les semences après l'inondation.
La hauteur idéale de la crue est de 7 coudées à l'époque pharaonique, de 12 coudées à l'époque gréco-romaine.
Une version plus mythologique disait que la crue était née des larmes d'Aset pleurant son époux défunt. Cette montée des eaux pouvait aussi être personnifiée par Hathor et trois déesses lionnes, Sekhmet, Pakhet et Tefnout.
La composante alchimique de la crue ne doit pas être négligée :
Thalie, la muse de la nature en fleurs, mène le chymiste aux monts de sel philosophal de la Lune où le Nil séminal de la Materia Prima prend sa source.
Eyrenée Philalèthe, Lumen de lumine, 1693.
Thalie correspond en Egypte à Aset et à la déesse du blé Renenoutet dont le fils est Nepri, le grain de céréale. Le blé est une métaphore de l'Or philosophal obtenu par granulation.
En ce lieu, tu contemples les Montagnes de la Lune et je te montrerai la source du Nil car elle jaillit de ces rochers invisibles. Lève les yeux et scrute la cime même de ces piliers et de ces à-pics de sel, car il s'agit des vraies montagnes lunaires et philosophiques.
As-tu jamais rien vu d'aussi miraculeux et incroyable ?
Thomas Vaughan, L'art hermétique à découvert.
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