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Longues oreilles

Un lièvre s'arrête dans les sainfoins et les clochettes mouvantes et dit sa prière à l'arc-en-ciel à travers la toile des araignées. Arthur Rimbaud, Illuminations.


Quand on connaît bien les Egyptiens, on sait l'attention qu'ils portaient à la Nature et aux animaux qui la peuplent. Observations minutieuses, regard affectueux et connivences certaines.

Nous allons parler d'un petit animal qu'ils appréciaient particulièrement, le lièvre qui, sans doute, pullulait sur les rives du Nil et les étendues désertiques proches de la Vallée. Certes il devait parfois finir en civet, il est présent sur toutes les scènes de chasse. Il n'en reste pas moins une créature divine de la famille de Seth car il est roux et se plaît dans le désert comme la gazelle ou le hérisson.

OUN est le nom du lièvre, il signifie Celui qui court très vite, une chose facile à vérifier.

Ouni est le verbe se hâter, courir ça et là en zigzag.

Oun est aussi le verbe exister. Pensez à Osiris Oun Nefer, le Parfait d'existence.

Oun est l'image inversée de Noun, l'Océan primordial.

Il est parfois nommé Sékhât


Dans les Textes des Sarcophages, le défunt déclare : J'entrerai en tant que lièvre, je sortirai sous la forme du faucon horien. Ici le mort se présente clairement comme un lièvre véloce et malin.


Comme tous les léporidés, le lièvre possède des spécificités biologiques surprenantes.

Outre sa vélocité comparée aux phases de la Lune, les Egyptiens admirent aussi ses longues oreilles, organes d'une perception auditive exacerbée. On peut dire qu'elles sont les armes de l'animal qui s'enfuit au moindre bruit suspect. Deux oreilles, vigilance et dualité, en forme de ces couteaux effilés qu'on voit entre les mains des gardiens de la Douat et des Shemsou Hor. Les oreilles du lièvre égyptien sont plus grandes et plus larges que celle de son cousin européen. On a même supposé qu'elles lui servaient d'ombrelle pour se protéger des ardeurs du soleil.


Horapollon prétend qu'il dort les yeux ouverts.

Son odorat est aussi très développé.

Très prolifique, il est pour les Egyptiens l'incarnation même de la fécondité, de la vitalité, de la générosité de la Nature.

Une hase peut avoir jusqu'à cinq portées par an comptant entre trois et six lapereaux. La gestation ne dure que 4 semaines. Son lait est très riche en matières grasses.


Il possède une excellente définition de l'espace, ce qui est utile quand on détale à toute vitesse.

Pline, qui n'a pas énoncé que des vérités, affirme qu'il est androgyne car il possède les deux sexes.


La hase OUNET, femelle du lièvre, est l'animal emblématique du quinzième nome de Haute Egypte et de sa capitale Khemenou, ville sainte du netjer de l'écriture, Hermopolis Magna. Elle est probablement la première occupante des lieux avant l'installation de Djéhouty. Un très ancien totem préhistorique.

Elle fait partie des 8 divinités de l'Ogdoade hermopolitaine, ce qui lui confère un rôle de démiurge.


On glissait entre les bandelettes des momies des amulettes en forme de lièvre afin que le défunt gambade la nuit comme la Lune en compagnie de son Ombre Khaïbit. Le lièvre n'est-il pas un animal nocturne.


Pour les adeptes de Thot-Hermès, le lièvre ou le lapin, grand connaisseur des sciences occultes, est le moteur de la recherche de la Materia Prima qu'on trouve dans les souterrains, les terriers qu'il faut explorer en le prenant pour guide. Il connaît les minières et sait s'en échapper. Un guide surnaturel que l'on retrouve dans la tapisserie de la Dame à la licorne sous la forme d'un lapin blanc.

Sa fécondité correspond au pouvoir de multiplication de la Pierre, sans doute par allusion à sa puissance sexuelle. En Grèce, le lièvre est l'animal d'Aphrodite. Son caractère rusé l'apparente à Hermès qui est le premier stade du Mercure hermétique. Il devient alors un dieu trickster qui a plus d'un tour dans son sac et se joue des hommes.

Il se déplace dans les lumières intermédiaires de l'aube et du crépuscule et peut, comme le Mercure alchimique, disparaître rapidement.

Conseil de lecture : Si vous êtes des admirateurs des longues oreilles, vous lirez avec délectation Watership Down, un livre enchanteur écrit par Richard Adams, spécialiste anglais des léporidés.

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