Il me demandait parfois si je croyais en Dieu. Je ne savais pas trop quoi lui répondre car je trouve l'idée de Dieu à la fois rassurante et effrayante.
Comment croire aux dieux immatériels d'un cosmos sans limites ? Je dis bien les dieux car un seul ne pourrait suffire à mon bonheur, à ma soif d'affection, à ma détresse d'enfant sur le point d'être abandonné.
Un dieu père, fils, oncle, neveu n'a jamais la beauté sidérante d'une déesse à la fois mère et amante, lionne et chatte, cobra et hirondelle.
Nous ne vivons pas sur le même plan que les dieux. Sont-ils en haut ou en bas, sur le côté, dans un angle mort ou derrière un miroir sans tain en train de nous observer pour voir jusqu'où nous pourrons aller dans notre exploration de l'inconnu ?
Un athée est bien plus tranquille. Si ça tourne mal, il ne peut s'en prendre qu'à lui même. Si ça tourne bien, il peut être fier de sa petite personne. Les Eglises ont brûlé les athées pendant des siècles, ce qui ne les a nullement empêchés de prospérer et de mourir sans angoisse métaphysique.
J'aime imaginer un dieu tapi dans la jungle, nageant entre deux eaux, suspendu à une falaise, incognito dans une foule, adulé par des millions de fidèles parce qu'il a, par hasard, accompli un miracle.
Un dieu insignifiant n'est pas dépourvu de charme, il est comme nous mal dégrossi, ce qui le rend plus accessible.
Quand, le dernier jour, il me demanda une fois de plus si je croyais en dieu, je lui retournai la question. Et toi, crois-tu en l'homme ? Sur un ton mal assuré, il rétorqua : Non, je n'ai pas envie de me fourrer dans une impasse, de me mettre le doigt dans l'œil et la rate au court-bouillon.
Nous vidâmes une carafe de rosé bien frais et, comme nous avions enfilé notre pyjama avant le repas, nous étions prêts pour la sieste. Quand je réfléchis trop, j'ai besoin de boire et de dormir. De boire autre chose que du temps ou une tisane de plantes médicinales au goût de poussière.
J'ai écrit tout cela sans malice. Je suis un garçon studieux, je sais qu'un dieu ne peut sans rire en rencontrer un autre.
Une autre fois nous parlerons du problème épineux de l'éternité, qui ne nous concerne pas parce que nous ne sommes pas assez patients, trop peu ingénieux et peu enclins à retrouver notre innocence perdue.
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