Qu'est-ce que l'Egypte nous a-t-elle laissé en héritage ?
Une Egypte qui a ignoré la narration historique mais a élaboré une civilisation de la performance spirituelle. Les œuvres d'art de Kemet sont étonnantes parce qu'elles savent entrer et sortir du labyrinthe émotionnel, se libérer des impasses de la pensée, des limitations qui nous poussent à marcher en regardant un sol fragile et inconsistant.
Le voyageur du temps a l'impression de revenir en arrière alors qu'il est déjà ailleurs, plus loin, dans un futur qui se redessine à chaque méditation dans une crypte où les hiéroglyphes et les images sortent de l'obscurité pour mieux y revenir.
Existe la possibilité de s'échapper mais aussi de revenir. L'Egypte aimante ce qui en vous ne demande qu'à s'enfuir. Avec elle, on sait que rien ne finira. Aucune barrière n'arrête l'épanouissement du désir d'être mieux, plus en phase avec les réalités non-ordinaires.
Kemet offre plus d'énergie, plus d'application, plus d'acuité, plus de courage pour se confronter avec soi-même, plus de lucidité pour accepter de mourir tout en ayant compris pourquoi nous sommes nés.
Je suis resté pendant des millénaires dans un sarcophage sublime et j'ai eu l'impression que l'expérience avait duré une poignée de secondes. Tout autour du coffre le monde avait disparu. Je flottais sur le Noun qui n'est pas un océan de légende. Dans le Noun, nous ne sommes rien d'autre que des promesses qui se succèdent sans fin. Osiris, comme nous, change de nature et de noms chaque fois qu'il revient en Abydos. A partir du cénotaphe du roi Séthi nous pouvons remonter la piste empruntée par les Occidentaux affiliés aux dieux lupins. Une piste qu'ils suivirent pour ne plus jamais être les mêmes sous le ciel nocturne de leur mère Nout.
Le Double Royaume n'a que faire des récalcitrants. Il aime ceux qui l'aiment, les envisage comme ses enfants et leur lègue un héritage spirituel d'exception.
Kemet n'inflige pas des remèdes de cheval mais des thériaques en supprimant les inconvénients de la pesanteur et la douleur d'être loin des rives du Fleuve. Elle nous permet de comprendre ce que nous sommes vraiment , ni utiles ni nécessaires mais bien décidés à faire fructifier l'héritage.
J'ai compris Kemet quand j'ai accepté de m'en détacher, de ne plus suivre l'axe principal pour emprunter les chemins de traverse qui conduisent à des téménos menant aux sanctuaires de dieux attentifs et bienfaisants.
Souvenirs de rituels réussis dans le temple de la Lionne du Spéos Artémidos un jour d'été. Au terme du dernier rite, la source tarie depuis des siècles s'est remise à couler pour rendre vivantes les immensités désertiques où patrouillent les Sementious prospecteurs de minéraux et de plantes médicinales.
Les Egyptiens savent que la réussite dépend de la perfection du rite.
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