Bébi aimait servir ce dieu qui le sidérait et n'était pas installé sur un fond d'absolu. Dans son naos, il attendait sagement que les portes s'ouvrent et laissent entrer la lumière pour dissiper les ténèbres inquiétantes.
Un dialogue s'était instauré entre les deux acteurs de cette histoire. Ils se parlaient quand personne ne pouvait les entendre, dans le monde paisible d'un temple ronronnant comme un athanor bien luté.
Pendant les rituels, le dieu et son prêtre évoluaient dans le même plan de manifestation. Ils étaient installés dans la structure bien ordonnancée d'un territoire fragile où se nouent des relations amoureuses.
Cette fidélité n'excluait pas des plages d'incertitude quand le dieu créateur menaçait de s'effondrer à la 7e heure de la nuit. Le netjer, le soleil, le temple et ses bosquets risquaient, chaque nuit, d'être engloutis par un serpent maléfique et persévérant.
Il avait promis à Bébi de ne pas l'abandonner tant qu'il resterait à son service. Bébi souriait, il n'était pas sûr de pouvoir s'occuper encore longtemps d'un dieu aussi vigoureux qui épuisait son KA.
Je vais vieillir plus vite que toi, nous serons en décalage, je ne correspondrai plus à ton niveau d'exigence.
Ignores- tu que tu rajeunis de 24 heures chaque fois que tu pratiques un rituel ?
Autant de pris sur la tristesse de vivre en sachant que je serai privé d'éternité.
Dans le monde osirien, l'éternité, découpée en séquences, est un état de fragmentation Chaque seconde est une éternité. Il faut se faire oublier, occuper le moins de place possible, gribouiller des milliers de hiéroglyphes pour tromper son attente.
Un jour peut-être, ensemble, nous ferons naufrage quand l'Empire aura atteint son extrême limite, que les Esprits auront quitté le temple, ne laissant que des énigmes.
Le magnétisme du dieu se réfugiera dans la profondeur des pierres.
Son serviteur imaginera qu'il a disparu sans mourir, qu'il somnole dans la tiédeur d'un sarcophage d'albâtre, espérant bientôt entendre la formule d'ouverture du rituel.
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