Tel un chat, je traversais le temple à pas feutrés.
En fait, j'étais perdu.
Si j'avais cru trouver ici des certitudes je m'étais mis le doigt dans l'Œil Oudjat.
Les lieux sacrés sont les espaces les moins stables de la planète, des sables mouvants, des mises en abyme, des zones de non-droit, des terrains pour s'exercer à la chasse subtile.
Ne me demandez pas si je crois en dieu. Ce serait une question indiscrète. Je me déroberais en vous renvoyant la balle, en faisant machine arrière ou un pas de côté.
J'aime et je redoute les lieux qui me déstabilisent et laissent planer un doute. Être au bon endroit au bon moment est un vœu pieux, une vue de l'esprit, un désir d'absolu tendant à s'autodétruire.
Autour de moi, le temple se dérobait, tentait de me persuader qu'il n'existait pas ou alors dans une autre dimension, dans un contexte trop différent pour être convainquant.
Karnak tente désespérément de n'être pas en ruines. Les ouvriers du dieu caché redressent les colonnes, réalignent les sphinx, remettent en place les énormes architraves.
Dans un cône d'ombre, le singe de Djéhouty attend le moment de rupture où tout s'écroulera à nouveau.
Un moment plus tard, je me demandais si j'étais encore vivant, si je n'avais pas perdu en route mon BA, mon KA et mon Khaïbit. L'Orient était devenu l'Occident. On ne chasse pas les hippopotames sur les terres de la déesse Opet.
Je divaguais dans la partie sud du téménos. J'étais acculé dans une impasse quand on me demanda de choisir entre Thot et Djéhouty.
Je me dérobai une fois de plus et répondis que je préférais Inpou et les loups abydéniens qui ne prennent pas la proie pour l'ombre.
J'étais encore à des journées de marche du temple souterrain du dieu décapité. Avant la nuit, je tentai de remettre en place les dalles de couverture de l'Osiréion pour le replonger dans une douceur propice à éloigner le crime.
J'ai accepté l'absence du dieu car je savais qu'elle ne serait pas irréversible.
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