Les anciens Egyptiens et leurs dieux se déplaçaient en bateau. Au fond, dans ce royaume, il ne s'agit que de remonter ou descendre le fleuve. Thot a aussi inventé les règles de la navigation. Sur un navire, il s'incarne dans le sondeur, chargé de mesurer la profondeur des eaux afin d'éviter les bancs de sable qui, dans le Nil, se déplacent souvent. Sur l'eau, on a l'impression que le voyage ne se terminera jamais. On passe d'un autre côté qui n'est pas forcément un ailleurs.
Le Soleil Noir dans sa barque traverse, la nuit, bien des épreuves. Il pourrit, il se désenchante, il a peur des serpents et des créatures nécrophages. Les litanies des fidèles lui donnent la nausée. Il a le cœur au bord des lèvres quand le navire est pris dans les tourbillons d'une cataracte. Les rameurs hurlent de terreur, les rives disparaissent dans la grisaille d'un temps hors de contrôle.
La familiarité avec le fleuve ne garantit pas des mauvaises surprises, comme l'apparition d'un banc de sable qui n'était pas là quelques minutes auparavant. Le navire risque de se coucher sur le ventre de Seth, les passagers et les marins serviront de nourriture aux crocodiles. Ce dieu aux oreilles coupées est parfois un allié, parfois un ennemi. Il aime les situations périlleuses et les navigations qui se terminent en naufrage.
On prétend, mais peut-être est-ce une légende, qu'un navire ne sombre pas si le pilote est un Shemsou mais les guerriers horiens n'embarquent pas de profanes sur leurs nefs. Ils véhiculent les dieux, les rois, les princes de sang, les dignitaires de leur Ordre et parfois un supérieur inconnu en transit entre des mondes dont on ignore le nom. Ces voyageurs ne peuvent séjourner longtemps sur notre planète.
Les marins ont un langage adapté à l'univers aquatique. Ils le parlent entre eux après l'embarquement des passagers. Cet idiome permet aussi de communiquer avec les morts imminents qui n'en finissent pas de passer d'une rive à l'autre et transforment l'effroi en émerveillement.
Les marins se considèrent comme les serviteurs du fleuve et les enfants d'Hâpy. Après leur décès, ils migrent dans le corps des poissons, des grenouilles et des libellules et continuent à s'exprimer dans leur dialecte. Les vivants ne peuvent les entendre, à part les vieux navigateurs qui ont gardé en mémoire les sonorités des langues archaïques.
Au milieu du gué, les passeurs menacent les voyageurs qu'ils portent sur leurs épaules de les jeter dans le fleuve s'ils ne doublent pas le montant de leur passage. Depuis que je sais cela, j'ai une confiance relative envers les passeurs. Je sais pourtant qu'il est impossible de remonter le courant à la nage.
MENI signifie planter les piquets d'amarrage dans le limon des berges avec l'idée que le bateau est parvenu à bon port au terme d'une navigation. Ce même mot peut aussi signifier mourir ou se marier.
Les deux piquets d'amarrage sont Aset et Nebhet qui fixent solidement Ousir pour qu'il ne dérive pas dans le néant.
Le palais est le lieu d'amarrage du roi.
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