L'OR a des vertus thérapeutiques et n'est jamais plus beau que dans la pénombre d'une pièce où l'on pénètre rarement. Il donne aux statues cette radiance particulière provoquant un choc émotionnel et le sentiment d'être entré dans un espace interdit aux humains ordinaires, à ceux qui n'ont pas approché les Mystères. La reine conduisant son premier rituel avait la peau recouverte d'une poussière d'or recueillie dans les mines orientales de Pount.
Le prince, petit-fils du roi, était couvert de bijoux prophylactiques le mettant à l'abri des ignorants, des malveillants et des mauvaises rencontres. Je regardais ses mains posées sur ses genoux quand il siégeait sur un trône adapté à sa morphologie. Elles frémissaient légèrement quand il entendait un Mage tenir des propos singuliers sur le rôle qu'il devait assumer au palais. Avant son intronisation, il resterait dans un monde intermédiaire. Après, il n'appartiendrait plus à un univers prenant les apparences du réel. Je comparais ses mains aux miennes et me disais qu'il me restait beaucoup à faire pour être au diapason de sa perfection. Les enfants ne sont pas autorisés à porter un masque qui neutraliserait leur prodigieux magnétisme. Ils ne portent des gants que lors des exercices de tir à l'arc. A part cela, ils vivent comme tous les petits garçons, seulement occupés à transgresser les règles avant qu'il ne soit trop tard.
En fait, je n'avais jamais vu le Mystagogue en pleine lumière. Il se tenait dans l'ombre et se déplaçait à contre-jour. Il n'était guère facile de définir la qualité de notre relation. Il me subjuguait et me donnait la chair de poule. Il évoquait dans mon esprit la couleur des cendres du Benou ou celle des cryptes que l'on vient de fermer pour la dernière fois. L'ombre préservait son anonymat.
La seconde année de mon histoire spirituelle, il me donna rendez-vous dans la cité de Henen Nesout la 14e nuit du cycle lunaire du mois de Thot. A peine arrivé dans cette ville où tout fonctionne à l'envers, je le cherchai en vain. Une fois de plus il m'avait posé un lapin mais je ne lui en voulais pas. N'était- ce pas dans sa nature de se dérober, de se glisser dans mes ouadis les plus secrets.
La nuit suivante, je rencontrai un desservant chargé de contrôler la pureté du Lac sacré. Il me conseilla de rentrer chez moi, de ne plus poursuivre des ombres, d'oublier l'existence des Mystagogues et de leurs semblables. Mais je n'avais nulle envie de retrouver ma vie d'avant, de relire les mêmes textes, de tracer à nouveau des hiéroglyphes trop connus, de me faire creuser une tombe aux normes en vigueur et de de supporter les inconvénients d'une vie ordinaire.
Le Mystagogue m'avait donné le goût des symétries divergentes et la volonté de ne pas être piégé dans des situations absurdes.
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