Pour officier dans le temple, il faut s'adapter à une légèreté nouvelle, à la violence des visions provoquées par des divinités sauvages.
Dans le couloir mystérieux rien n'est conforme aux règles ordinaires. Padi Hor le traversait le plus lentement possible afin de ne rien perturber, de laisser aller les choses, de ne pas détruire l'état hotep des résidents de cet espace en suspension qu'il ne faut pas chercher à investir, à comprendre, à cerner dans l'espoir d'être adopté. Rien de statique ici, à l'exception de certains Mages de Kemet habitués depuis l'enfance à vivre dans l'incertitude, l'attente, la croyance que rien ici n'a encore commencé à exister.
Ce couloir est peut-être la partie la plus déconcertante du temple. Les fluctuations d'humeur y sont permanentes, de l'émotion à l'inquiétude, du contentement à l'insatisfaction. Rien n'est stable, les équilibres restent fragiles, l'issue incertaine. L'habillage sonore est celui de la Douat : cris soudains des animaux nocturnes, plaintes étouffées, odeurs minérales, accumulations de tensions et moments de détente d'une grande douceur.
Pour nous, rien n'est vraiment limpide dans la pensée égyptienne. Un couloir n'est rien d'autre qu'un lieu de passage alors que transition serait un mot plus approprié. La sagesse serait d'accepter que les choses nous dépassent et d'en tenir compte dans les décisions à prendre en ce qui concerne la circumambulation dans l'atmosphère opaque des couloirs de l'existence.
Padi Hor sentait qu'un tel lieu n'était pas le bon endroit pour finir sa vie. Il oubliait simplement qu'il est sacrilège de mourir dans un temple consacré. La mort ne souille pas le temple mais le détourne de sa mission première.
Le couloir mystérieux me fascina plus encore quand j'appris qu'il s'y produisait des rencontres parmi les plus improbables. Les loups divins viennent y gîter pendant le jour afin d'échapper aux ardeurs d'un soleil qui consume même les pierres.
Pour en sortir sans dommages irréversibles, on doit être accompagné d'un chat aux yeux incandescents et encore plus futé que Djéhouty. La puissance de son regard brise les verrous et rend accessibles les Mystères les mieux lutés.
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