Où irons-nous quand nous serons morts ?
Sommes-nous censés aller quelque part ?
Les croyants, les mécréants et même les athées se sont toujours posé des questions sur cet Ailleurs à la fois fascinant et effrayant. De nobles Héros ont même tenté une catabase pour aller voir ce qui se passait de l'autre côté de la vie.
Les religions dites révélées ont imaginé des solutions plutôt surréalistes. Ainsi les Chrétiens envisagent-ils un au-delà en trois sections : le Paradis où l'on somnole en compagnie d'un dieu décliné en trois versions, l'Enfer où l'on enfonce des tiges de fer incandescent dans le fondement des sodomites et des hérétiques et le Purgatoire, une sorte de bassin de décantation où marinent les méchants pas trop méchants. Je me suis laissé dire que les Chrétiens actuels ne croyaient plus trop à ces sornettes.
Après ce préliminaire divertissant et irrespectueux, nous allons tenter de comprendre comment les Kémitiens envisageaient l'Au-Delà.
On bute de suite sur un mot difficile, quasi impossible à cerner : la DOUAT, une zone crépusculaire qui se trouve à la fois en haut et en bas, où on marche volontiers les pieds en haut et la tête en bas et qui se situe à la périphérie du monde connu, entourée par le NOUN, l'Océan primordial, aux confins de l'imagination dit Eric Hornung.
On a déjà compris que les Egyptiens ne donnent pas dans la simplicité.
Le hiéroglyphe pour Douat est un cercle à l'intérieur duquel tourne une étoile à 5 branches avec un petit cercle central qui ressemble plutôt à une étoile de mer. Nous sommes bien dans les profondeurs mais s'agit-il de celles du ciel ou de la mer ?
Voici le mot gravé sur la paroi d'une des pyramides à textes de l'Ancien Empire, dans la nécropole de Sakkara : une main pour D, un vautour pour A, un demi-cercle pour T et le déterminatif, l'étoile dans le cercle. On remarquera qu'il s'agit de la même étoile qui désigne aussi le Netjer.
Le mot AT désigne un espace clos et sacré comme une chambre funéraire ou une crypte.
OUAT est le mot chemin, route favorable ou dangereuse.
Dans la pensée hermétique, la Douat devient le Serpent OUROBOROS qui se mord la queue.
Douat est l'autre monde, l'envers du monde, prétend Schwaller de Lunicz.
Ce monde divisé en 12 sections ou heures est celui où navigue d'Ouest en Est IOUF, le Soleil Noir lors de son voyage nocturne. Iouf est un mot qui se rapporte à l'idée de chair putride. C'est un lieu d'épouvante, de mystères mais aussi de félicité parcouru de cours d'eau, de lacs, semé d'îles, de cavernes et plutôt nuageux. On y croise des puissances bienfaisantes, des êtres ambivalents à la fois alliés et ennemis du défunt mais encore des monstres malfaisants comme le Serpent Apophis-Aapep qui, tapi dans les replis de la 7e heure, s'efforce chaque nuit de faire chavirer la barque du Soleil afin de le dévorer. Dieu merci, Seth vient au secours d'Iouf, repousse le serpent et permet ainsi au Soleil de poursuivre sa course vers l'Orient où il va renaître sous la forme du scarabée Khépri.
Les défunts vivent la même aventure et échappent à l'anéantissement à condition de bien répondre aux questions des gardiens armés de longs couteaux embusqués devant la porte. Questions des plus délicates car elles portent sur le mal de vivre, la difficulté d'être.
Allons plus loin. Le mot DOUAT peut aussi avoir le sens d'aube naissante, de moment précédant le lever du Soleil ou d'une étoile, moment entre chien et loup où l'on est entre l'obscurité et la lumière. Un moment de passage difficile à négocier sans le secours de la Magie, des incantations et de divinités comme Inpou ou Djéhouty. Si tout se passe bien, on entre alors dans le KHER NETJER, le royaume des dieux, littéralement l'Endroit divin d'en-dessous qui peut-être aussi bien sous les étoiles que sous la terre.
Arrivé dans le Netjer Kher, on n'est pas au bout de ses surprises. On entre dans la salle des Deux Maât pour y subir l'épreuve de la Kérostasie ou pesée du cœur JB, siège de la mémoire qui ne saurait mentir. Une évaluation globale qui déterminera votre devenir, espérons-le stellaire et lumineux.
Pour certains chercheurs pointilleux, le mot Douat ne serait pas un lieu de transition mais un état ou plutôt une succession d'états de conscience, de transformations nommées les Kheperou. Il reste au défunt à prouver que, durant sa vie, il a bien réussi ses kheperou et n'a pas ainsi entravé l'évolution de la création.
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