Antyhotep ne se rappelait plus du nom du dieu qu'il servait. Quand il était petit, il voulait être berger pour vivre en compagnie des animaux. Ses mains se mirent à trembler, il commença à pleurer.
Dans la journée, le ciel s'était peu à peu décoloré. Un orage grondait sur la montagne occidentale. Des éclairs illuminaient en continu les falaises. Même si le déchaînement des éléments effrayait les Thébains, ils aimaient la pluie et remerciaient Min, le netjer des orages.
Les enfants dansaient sous la pluie. En les regardant, Antyhotep se demanda où étaient ses filles et ses fils puis il se persuada qu'il n'avait jamais eu de rejetons.
Comme la Nature, il attendait que survienne un évènement inattendu, la fin de la tempête ou le déchaînement de fortes rafales de vent ou autre chose encore. Non, il n'attendait rien, le temps venait de s'arrêter. Maintenant, la couleur gris-foncé du ciel se teintait de pourpre. Il se laissa envelopper par les senteurs du sol libérées par la pluie.
Il se sentait seul, même au milieu de ses confrères. Il voyait bouger leurs lèvres mais n'entendait pas ce qu'ils disaient Où était son épouse qui, tous les soirs, lui tenait la main pour qu'il s'endorme en paix ? Il était débarrassé des tourments de ce monde. Sa maison était vide. Lentement, le temple était enseveli par le sable séthien. Quand il traversa la salle hypostyle, il se demanda où il était, quelle menace ou quelle bénédiction se dissimulait derrière les colonnes. La sensation d'être au bord d'un souvenir accroché à un arbre. Il croisait des paysages et des visages inconnus. Les Loups divins ne portaient plus leur masque.
Il voulait être un de ces bergers qui, la nuit, pratiquent des rites pour le bien-être et la protection de tous les animaux du royaume.
Les dieux l'avaient-ils abandonné sur le bord de la route ? Il ne savait plus changer d'itinéraire, oubliait de vérifier s'il était suivi, le soir et le matin se confondaient.
Dans sa tête, une voix répétait : Tu dois ajuster ton regard à la situation. Mais de quelle situation était-il question ? Les accès lui paraissaient de plus en plus difficiles. Il ne voyait plus que des visages flous et effacés.
Il n'entendait aucun bruit venant de l'extérieur mais, au cœur de cette confusion, il devina une présence qui commençait à remettre chaque chose à sa place afin d'écarter le désordre qui l'habitait.
Il se souvint de son nom et de celui de son netjer, il reconnut le parfum de l'oliban. Il était ce berger qui accomplit des rites atténuant la lassitude de vivre. Il murmura : Moi, je sais qui je suis.
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