Le regard longtemps posé sur le monde se tourne vers l'intérieur, dans la pénombre des cryptes du Trismégiste. La contemplation contre les sévères et sèches analyses des théologiens, des mécaniciens, des inquisiteurs qui, aujourd'hui encore, condamneraient le Nolain à la mémoire pure et saine.
Dans les rites initiatiques, le bandeau est la coupure avec le monde profane. En égyptien, son nom est Connaissance. Osiris est démembré, son fils Hor est aveuglé par son oncle Seth pour devenir un voyant dans le monde des Esprits. Avant la révélation, les Mystes, aveugles rituels, sont dits muets et aveugles. C'est dans l'obscurité du monde souterrain, dans les couloirs sombres des pyramides qu'ils finiront par percevoir la lumière spirituelle, le secret des Sels indispensables pour faire jaillir l'étincelle de la transmutation alchimique. La cécité pour subjuguer les puissances invisibles qui s'opposent à la lumière.
L'exposé des doctrines hermétiques ne tient pas seulement dans les écrits attribués au Trismégiste, il est dans la conscience des orpailleurs n'ayant pas froid aux yeux. D'autres éléments se trouvent dans les yeux des statues égyptiennes, l'art de fondre les métaux, l'intonation juste des vocables des rites de Memphis. Les fouilles de surface sont bonnes pour récolter des amulettes dépourvues d'efficience magique. On ne descend jamais assez profondément dans les couches enfouies de limon et de sable que l'eau du Nil maintient en état d'imbibition. Les pattes de l'Ibis s'enfoncent, après la crue, dans le limon humide. L'Oiseau divin mange les reptiles pullulant sur les berges du fleuve. A ceux qui sont mordus, il offre un Pharmakon dont il a le secret.
Avec jubilation, je me suis attaché aux différentes perspectives de la pensée hermopolitaine susceptibles d'apporter des réponses à des questions restant à définir. J'ai opéré de nombreuses rectifications qui firent émerger en moi des tonalités inédites. Depuis que je portais le bandeau sur les yeux, ma vision n'avait jamais été aussi acérée. Je voyais plus loin et surtout autrement. J'étais définitivement passé sur l'autre versant, plus opératif que spéculatif. A Khemenou, on joue avec les mots, les idées et des choses aussi triviales que des sandales ou un miroir brisé.
La plupart du temps, le Pontife de Khemenou était un aveugle de naissance qui n'avait jamais vu la beauté et la laideur du monde. Sa vision intérieure faisait du lui un parfait interprète de la Nature, un serviteur des idées de Djéhouty qui reste dans le labyrinthe alors qu'il connaît toutes les portes de sortie.
Ne croyez pas pour autant que la pensée hermétique tourne à vide. Elle évolue dans un contexte chaque jour détruit et reconstruit, entre la mort et la renaissance, entre Aset et Nebhet à l'œuvre dans la chambre secrète.
J'ai pris le Trismégiste à bras le corps, je l'ai forcé à me faire des confidences. Bien sûr, il s'est dérobé mais j'ai gardé de cette étreinte le sentiment que j'avais désormais la force de demeurer dans la citadelle vertigineuse d'un dieu qui avait tout fait pour me décourager et m'avait laissé entendre que la Terre vierge pouvait être mère.
Etes-vous resté longtemps sous l'influence de l'Hermétisme ?
Je ne vois pas de quoi vous parlez. Je suis mort pour l'instant. Or, la divinité n'agit qu'à l'intérieur du vivant en phase d'Intensification.
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