Bien calé dans sa barque sarcophage, le mort se mit à explorer le moindre recoin de l'au-delà Il comprit que les cartes et les itinéraires envisagés dans les corpus funéraires ne correspondaient pas à la réalité. Une vue de l'esprit, un monde virtuel pour des navigateurs à la recherche d'un passage entre les îles.
Les tombes piègent l'éternité. Elles tournent en boucle dans des espaces clos jusqu'à ce que des pilleurs viennent les libérer en éventrant les murs couverts d'images évoquant des continents imaginaires, des états de quiétude dans un jardin cerné par les déserts.
La mort n'est pas un changement de plan mais d'état d'existence, un bouleversement total, un bain dans la poudre de projection dont on use pour être désenvouté. On ne peut toutefois pas parler d'un voyage intérieur mais d'un retournement sur soi-même, du réajustement d'un destin intraitable, déterminé à vous priver de paradis, de liberté de mouvement, de profondeur de champ.
Il y a des portes qui s'ouvrent sur la vie et d'autres sur la mort. J'ai toujours été là, dit la Mort. J'ai toujours été dans l'officine des embaumeurs mais aussi dans ta maison, ton jardin, sur les chemins que tu empruntais chaque matin pour te rendre sur le chantier. Je me tiens immobile, je regarde à l'intérieur de toi, je n'attire pas ton attention, je n'ai rien à te dire, les psychopompes sont des êtres taciturnes et silencieux, des loups chassant au crépuscule. On est en sécurité dans la solitude. Les sarcophages sont des esquifs fragiles mais couverts de hiéroglyphes, signes talismaniques qui les rendent insubmersibles. Pour arriver chez toi, il faut traverser un bosquet bouleversant. Comment oublier le bruissement des feuilles dans le vent qui se lève entre les hautes plumes du dieu d'Ipet Sout, le dieu malin de l'Invisible qui a renoncé aux apparences pour se rendre insaisissable. Il ne désordonne pas le monde mais il ne peut rien contre la mort. On ne pose pas de sarcophages dans un temple.
La Mort me demanda si j'étais heureux avec elle. Non, répondis-je mais j'ai besoin de toi.
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