Le surnaturel sature les ruines de ce temple à la dérive dans le désert occidental. Je ne sais rien de ce monument qui n'est répertorié dans aucun atlas archéologique. Il reste tellement de rituels à célébrer. Les prêtres ne sont jamais partis très loin. Certains vivent dans les parties du temple rarement visibles aux non-Khémitiens. Temple en sursis dans un empire disparu ou n'existant pas encore.
Khetety n'en finissait plus d'aménager sa tombe. Il l'avait creusée dans un calcaire dur incrusté de noyaux de silex coupants comme des lames d'obsidienne. Il avait écarté les contradictions et les malentendus courant sur la possibilité d'une existence après la mort. L'éternité s'installe si le corps est nanti des bonnes amulettes, le visage couvert d'or et la présence du Livre des Portes entre les jambes.
Khetety se demanda s'il ne viendrait pas s'installer là avant sa mort. Un rédacteur de chroniques anciennes lui avait affirmé : on ne vit pas dans une tombe, on n'y meurt pas. Il se posa cette question : Alors à quoi sert - elle une fois dépassés les bonheurs immédiats ?
On ne naît pas Kémitien, on le devient à force d'astuce, de persévérance et grâce à la fréquentation de ceux qui ont vécu un jour dans la cité de Khemenou. Ce royaume est fréquenté par plus de morts glorieux que de terriens vivants.
Dans les rêves, les Kémitiens parlent des langues disparues depuis des millénaires, les idiomes d'un empire qui a joué avec les codes, les double sens, les tracés labyrinthiques de la mémoire. Il serait effroyable de renoncer à cet héritage, de laisser le Soleil Noir se noyer dans les eaux du Noun.
On devient Kémitien si on ne renonce pas à sortir du creuset où se consume le Benou Phénix.
La nuit tombe si vite.
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