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LA DISPARITION

Depuis longtemps, le soleil ne brillait plus de la même manière dans le ciel d'Egypte. Une sorte de pénombre rongeait les arbres, les statues, les champs d'épeautre, les bateaux. Je ne trouvais plus ma maison. Les rues étaient hantées par des fièvres malignes.

Je me mis à hurler dans mon lit, ce qui me permit d'échapper à ce cauchemar devenu récurrent depuis des semaines. Autour de moi, rien en apparence n'avait changé. Mes enfants dormaient comme des garennes dans leur terrier, les chats enquêtaient dans le jardin à l'écoute du moindre bruit suspect, mon épouse avait disposé avec goût des grenades, des noix doum et des lotus bleus dans une coupe d'albâtre.

Moi qui avais longtemps connu la vie errante des soldats, j'appréciais le confort de cette vie de famille où chacun se tenait à sa place tout en contribuant à l'harmonie de l'ensemble. Parfois, je trouvais ennuyeuse cette paisible monotonie mais je savais bien que Khépri et Djéhouty allaient bientôt relancer les dés, eux qui ne goûtaient guère les charmes de la vie domestique. Quand les jours heureux se succèdent depuis trop longtemps, on devient inquiet, on se pose des questions dont on refoule les réponses.

Plongés dans leur quiétude amoureuse, Aset et Ousir n'ont pas entendu s'approcher l'animal séthien. Ils pensaient qu'il resterait chez lui dans le désert, se contentant de ruminer de macabres pensées. Qui oserait s'en prendre au roi du monde et à la reine du ciel ? Qui envisagerait la rupture de cette histoire sans fin ?



Je vivais dans une partie étroite de la Vallée avec le désert au bout du jardin. J'aimais cette position sur les limites qui troublaient délicieusement ma sérénité. Pourtant, ma maison risquait un jour de se retrouver enfouie sous une dune après une tempête de sable. Il n'y a rien que de très ordonné dans la poursuite du bonheur. Râ ne se doute pas que sa fille Aset va dissimuler un serpent sur sa route. Nous avons du mal à entrer dans le mode de pensée des reptiles, plus préoccupés par la radiance de leurs écailles que par notre peur de mourir.


Je picorais des grains de grenade, je somnolais attendant la fin de la nuit, je sentais l'aube s'approcher.

Pour mieux jouir du miracle de l'apparition de l'astre solaire, je descendis sur la rive du fleuve et contemplai les montagnes orientales d'où l'étoile allait surgir.

Ce matin là, elle ne se leva pas.

Le naufrage avait eu lieu.

Le serpent Aâpep avait fini par l'engloutir.

Les dieux eurent-ils le temps de se réfugier dans l'ombre d'une crypte ?

1 Comment


guy.udriot
Aug 01, 2021

lors d'une présentation d'un blason pour le compte d'une fraternité sur lequel figuré notamment un dé, j'ai repris de M. Stéphane Mallarmé - Un coup de Dé n'abolira jamais le hasard. C'est en pensant à Khepri et Dhéjouty que je vous livre le texte ci-dessous que j'ai commis d'écrire :

Ce cube est un Dé, dont le nombres évoqués s'inscrivent par le jeu du regard, inspirant bien d'autres cachés. - Sur ses faces symboliques, ce Dé lancé, parcoure des étendues de paradoxales perspectives, engendrant la synesthésie, pour une alliance de syncrétismes intérieures. - Des paradoxes, non résolutoires, déjouant les certitudes qui pourraient nous en fermer dans la paresse. - Un prêt, à lancer, imbriquant l'impuissance de la raison et le…

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