Des couleurs en accord avec le pays et la pensée
Les artistes égyptiens usent de couleurs élémentaires et franches : noir, blanc, bleu, vert, jaune et rouge. Ils transcrivent ainsi ce qu'ils ont sous les yeux : terre noire, bleu du ciel, palmiers verts, falaises jaunes et déserts dans les différentes nuances d'ocre.
Les couleurs reproduisent celles de la nature selon une symbolique très précise dont nous reparlerons.
Les reliefs, les murs des temples et des tombes, les colonnes, les chapiteaux, les statues étaient couverts de couleurs qui les rendaient brillants de vie, plus réels.
Sans couleurs un temple, un hiéroglyphe ou une statue sont considérés comme inachevés.
La couleur exprime une qualité objective en rapport direct avec le monde invisible. Il s'agit d'une question de substance et non pas d'apparence.
Les couleurs constituent un substitut des minéraux et des métaux précieux. L'orpiment ou sulfure d'arsenic évoque le jaune brillant de l'or.
Dans les reliefs ou les statues, les yeux sont peints en premier.
Le maître des couleurs est le crocodile Sobek.
L'origine des couleurs
Le noir est d'origine animale ou végétale : os et bois calcinés, charbon de bois. Les autres colorants sont des pigments minéraux naturels ou artificiels qui nécessitaient des broyages minutieux à l'aide de pilons de calcaire dans des mortiers de pierres dures comme le granit ou le schiste.
Les bleus sont artificiels ou synthétiques. On ne les trouve pas dans la nature mais ils sont obtenus par le chauffage du double silicate de cuivre et de calcium mélangé à du sable, du natron, du verre pilé, de la poudre de lapis lazuli ou de turquoise.
Les rouges sont tirés de l'oxyde naturel de fer, très abondant en Egypte.
Le jaune est un orpiment ou sulfure naturel d'arsenic.
Le vert est de la fritte en poudre, colorée à l'oxyde de cuivre et de fer.
Le blanc très lumineux se compose de chaux, oxyde, carbonate de calcium ou gypse.
Techniques pour obtenir les couleurs
Les couleurs étaient délayées à l'eau additionnée de gomme et d'albumine de blanc d'œuf qui augmentaient l'adhérence.
Les peintres confectionnaient eux-mêmes les couleurs de leur palette.
Pour donner de l'éclat aux couleurs ou obtenir des effets spéciaux, on utilisait de la cire d'abeille.
On employait également des vernis pour obtenir de beaux reflets, une transparence des couleurs ou pour accrocher la lumière. Ils étaient issus de la résine du pistachier ou de la calcination de certains encens.
Pour appliquer les couleurs, les peintres usaient d'un roseau dont ils mâchonnaient l'extrémité comme pour les calames des scribes.
Des couleurs bien codifiées
Les artistes cherchent un compromis entre la pensée théologique, le sens des couleurs, le symbolisme des matériaux, les qualités physiques, morales ou spirituelles à exprimer.
Les couleurs fournissent un merveilleux support à la pensée symbolique.
Ainsi les dieux sont définis par une couleur : bleu pour Imn, noir pour Min, noir et vert pour Osiris, améthyste pour Thot, ocre pour Inpou, jaune vif pour Hor, turquoise pour Bastet, violet pour Ptah, vert pâle ou argent pour Nebhet.
Un texte rituel précise : Je n'ai pas confondu l'une de tes couleurs avec celle d'un autre dieu.
Les couleurs, on pourrait parler ici de teintures, traduisent l'aspect alchimique des divinités.
Le vert reste la couleur de la végétation, comme les fourrés de papyrus exprimant la croissance et la vigueur en devenir. Les célèbres hiéroglyphes des Textes des Pyramides, formules de résurrection, sont peints en vert turquoise car ils portent l'espérance d'une verdeur éternelle.
Il existait une norme des couleurs. Ainsi le corps des hommes est peint en rouge, celui des femmes en jaune, les cheveux, les perruques sont toujours noirs, les vêtements blancs. Les cheveux des dieux et des personnages royaux peuvent être bleus.
Le noir est d'abord la couleur du limon fertile du Nil. C'est aussi la couleur héraldique du Double Royaume, Kemet, le pays noir.
Chaque signe hiéroglyphique a sa couleur appropriée. Si le signe change de couleur, il change aussi de sens. La couleur produit du sens.
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