Lors d'un rituel, il m'arrive de rester pétrifié, de ne plus oser faire un geste, avancer ou reculer d'un pas de peur de rompre un équilibre précaire, difficile à rétablir. Des présences anciennes s'invitent à la fête et sont d'une totale exigence. Les rites ont mûri en elles depuis que les premiers mystes ont appris à traverser un téménos en prenant soin de ne rien déranger dans l'ordonnance de la sacralité et la convergence des forces.
Les rituels, les scories accumulées en nous, laissent juste assez de cendres pour accueillir l'Oiseau Benou.
Après, je reste longtemps assis sur le sol de schiste noir, le dos contre une colonne, la tête vide, la mémoire en friche en n'attendant plus rien d'autre que le glissement des pieds du dieu sur les dalles.
Je ne vis plus sous Ramsès IX mais dans une Egypte devenue le conservatoire des rites et des sites où ils peuvent être célébrés.
Les rites, jamais pollués par les dogmes, assurent notre liberté d'esprit et notre volonté de voyager entre les mondes. Notre AKH permet à notre SAHU de s'accroître. Nous passons d'un état de beauté à un état de splendeur.
Les rites ne sont pas des opérations secrètes mais des structures qu'il faut préserver de la méchanceté des fanatiques de tout poil oscillant entre le profane et le sacré, la bêtise et l'ignorance. Les cités où on ne les célèbre pas sont des zones qu'on ne peut plus traverser la nuit car les Loups divins ne les défendent plus.
Dans les temples en ruine, le vent est parfois le seul acteur du rite. IMN et le Vent se confondent. Le rite renforce la force du vent et la densité du plus volatil des dieux de Kemet.
Je demande aux rites de me conduire chaque fois un peu plus avant dans des territoires d'ordinaire inaccessibles où patrouillent des Sphinx à la fois féroces et attendrissants. Je ne veux pas revenir. Je n'ai pas peur des monstres. Je connais leur nom et les formules magiques qui les neutralisent. Je sais qu'ils m'attendent à la sortie mais la clôture du rite est encore loin.
Comments