Je suis une toute fraîche momie bien calée dans un sarcophage dégoulinant de hiéroglyphes et de génies de la Douat. Je pressentais que le compte à rebours était enclenché.
Un mort appartient-il encore à l'espèce humaine ?
Les défunts peuvent-ils communiquer avec les vivants ou avec leurs congénères ? Un prêtre d'Inpou m'avait avoué qu'il s'agissait d'un problème de fréquence et de performance, ce qui n'était guère éclairant.
Je me doutais bien qu'il faudrait beaucoup de temps pour trouver les réponses à ces questions avant d'être dévoré par les insectes nécrophages.
Je n'avais pas encore compris que, pour moi, le temps n'existait plus et que les préoccupations ancillaires étaient passées au second plan.
Pour autant, j'étais bien, je n'avais mal nulle part, cet état flottant entre veille et sommeil n'était pas déplaisant. Il était confortable de ne plus être à la poursuite d'états extrêmes tout en étant pas ancré dans l'absolu.
Quelque chose bougeait sur le couvercle du sarcophage. Etait-ce un rongeur, une déesse en train de battre des ailes ou encore un reptile divin égaré dans le suprême et les affolements métaphysiques ?
Rien ne me tourmentait vraiment, je me laissais glisser dans ce qui ressemblait à un ciel nocturne où voyagent les étoiles, les constellations, les soleils agonisants, les comètes aux mystérieuses trajectoires.
La mort ne fait pas partie des catastrophes cosmiques, elle est juste effleurée par une légère démesure qui ne débouche pas sur le salut mais sur une forme inaccomplie de sérénité.
Au prix de quelques efforts, je réussis à voir entre les parois du sarcophage. Ma chambre funéraire était spacieuse et bien ordonnée. Si le temps est aboli, l'espace reste une donnée essentielle où on accorde de l'importance aux notions de confort et de luxe. Je n'avais pas à me plaindre, j'étais un mort confortable installé dans un luxe douillet et en rien tapageur, comparable à celui du roi Toutankhamon. Bois doré et senteurs de résine, vide élégant, silence prestigieux et juste ce qu'il faut d'inattendu et de complicité avec les gouffres.
Il n'y avait plus personne pour me dicter mon comportement. Pour la première fois, j'étais libre, débarrassé des gestes anciens et de toutes les contingences inhérentes aux vivants. Je ne serais plus ce que j'avais été. Je commençais à comprendre que de multiples échappatoires étaient envisageables.
Ici, les jardins sont vides mais épargnés par les désastres, les aberrations, la variété inépuisable des dérèglements.
Plus tard, je rencontrai le Jardinier qui entretient ces espaces sans limite. Quand il me demanda d'où je venais, je répondis : Je ne suis pas d'ici. Sans lui, je me demande ce que je serais devenu.
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