Une nuit de Lune Noire. Nous marchions dans les montagnes du désert oriental, univers minéral, fascinant de jour comme de nuit. Marche rituelle dans un paysage qui, au fil des heures, se sacralise davantage.
Nous étions perdus et nous allions peut-être disparaître... Les montagnes ne seraient plus troublées par notre présence. Nous ne dérangerions plus leur vertigineuse rêverie métaphysique. Il était impossible de considérer le Chaos de l'extérieur.
La montagne était en train de nous digérer.
Nous étions bien plus loin que nous ne le pensions.
Que le roy soit mort ou vivant n'avait plus d'importance.
Un Sphinx nous guettait derrière un rocher à la forme singulière.
Nos forces étaient intactes mais pas disponibles.
Les Serpents lovés sous une dalle de granit ne bougeraient pas avant la descente des premiers rayons du Soleil.
La précarité de l'aventure devenait évidente.
Elle existait en filigrane, ne pouvait plus être captive d'un discours modifiant sa densité.
Un des marcheurs était un prêtre de TEM à Iounou. Les abstractions les plus ahurissantes ne l'effrayaient pas encore. Il écoutait les borborygmes de la montagne. Il sondait le mystère de l'apparente absence de mouvement. Son Netjer ne donnait pas de réponse, se contentant de provoquer les clapotis de l'Océan Premier. Nous n'existons pas si nous ne sommes pas en devenir.
C'est sur les Seuils que les choix se présentent. Dans les montagnes, ils se succèdent sans pour autant être évidents. On ne les voit pas, on les sent sous la plante des pieds à condition d'avoir quitté ses sandales. Pieds nus, on ritualise en pleine conscience, surtout dans les spéos, temples-cavernes creusés dans le ventre de la montagne.
Le prêtre de TEM posa cette question : Vaut-il mieux être perdu dans la montagne ou dans le temple-caverne ?
Je lui rétorquai que dans les deux cas il vaut mieux commencer par la fin. TEM est trop malin pour se laisser manger par une mangouste à la vision périphérique.
Le prêtre ajouta : L'important est de se trouver au bon endroit au bon moment.
Aujourd'hui, il est mort. Les oiseaux de sa fratrie viennent chanter à l'intérieur de sa tombe.
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