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FASCINATION INTENSE

En patrouillant dans le temple, l'appareil photo en bandoulière, je me disais que la continuité est impérieuse une fois le jeu des échanges mis en place. C'est le temple qui me visite et non l'inverse. Il m'investit, réveille les zones endormies ou celles que je n'avais jamais déverrouillées.



Les lieux sacrés même abandonnés, n'offrent pas d'explications sur ce qui fait leur charme. Ils n'existent pas pour nous faire souffrir mais pour nous consoler, nous guérir d'une tristesse dévastatrice.

Quand ils furent construits, à côté de l'architecte se tenait un nécromancien. Le maçon travaillait avec le mage, les astrologues ordonnaient l'avance des travaux en fonction de la position des astres dans le ciel.


Parfois je n'avais plus le courage de marcher dans le temple. Je m'asseyais sur un bloc portant l'empreinte de Seth ou me couchais sur le ventre contre les dalles douces et tièdes. Dans ces moments là, le temple devenait plus intime et rendait illusoire ma volonté d'exister à tout prix.


Les gardiens des sites archéologiques sont recrutés dans les villages des alentours. Leur principale activité n'est pas vraiment de surveiller le site mais de se jeter sur les visiteurs pour recueillir quelques bakchichs qui amélioreront leurs fins de mois. Chaque fois que j'entre dans le temple de Dendera surgit un gardien. Il se jette sur moi, m'enlace et tente de m'embrasser sur la bouche. La sienne est dans un état désastreux et ne donne guère l'envie d'échanges plus intimes. Néanmoins, il est affectueux et j'aime déambuler un moment avec lui, persuadé qu'il est là depuis le règne du roi Pépi Premier.


En général, j'évite toute conversation dans le temple. Je suis bouleversé par un silence qu'il est sacrilège de briser. Depuis le haut du pylône, je regarde le temple faire l'amour avec le téménos et tordre le cou à la réalité profane.

Je redoute surtout que tout disparaisse comme s'il s'agissait d'un décor de théâtre. Je suis en sursis au bord d'un Ailleurs qui peut entrer par une porte dérobée. Il est délicat de maintenir vivantes des relations anciennes avec des lieux qui exercent une fascination intense.


Je dissimule dans ces lignes la douleur qui sera la mienne quand je quitterai le temple pour la dernière fois.

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