Pourquoi toujours imaginer Dieu comme un vieux barbu à la mine atrabilaire ?
Les Egyptiens ont aussi inventé le concept du dieu-enfant qui, avec le temps, devint de plus en plus présent et populaire.
Ils appartiennent en général à une triade ou famille divine tels à Memphis Ptah, Sekhmet et leur fils Nefertoum.
Les enfants divins sont attestés dès l'Ancien Empire mais l'apparition des triades est relativement tardive et basée sur le modèle familial Aset, Ousir, Hor.
Leur culte commence à la fin du Nouvel Empire.
Il est évident qu'un Enfant-Dieu reste plus accessible aux hommes.
La langue hiéroglyphique est riche en termes qui se rapportent à l'enfant, une vingtaine de mots pour distinguer le nourrisson, le jeune enfant, l'adolescent, l'enfant unique, le prince royal, l'élève, l'enfant du ventre maternel...
L'enfant du couple figure la continuité.
Il est la semence première de Râ, bien aimé de ses parents.
Il est à la fois l'Enfant et l'expression des forces qui ont permis sa naissance divine.
La naissance a lieu dans une chapelle à l'extérieur du temple, le Mammisi, nom inventé par Champollion pour désigner la Maison de naissance Per Mes. Celui de Dendera est intact et magnifique. Un monument qui évoque les kiosques de naissance, constructions légères implantées à l'extérieur des habitations où les femmes égyptiennes se retiraient pour accoucher et prendre soin de leur nourrisson.
Le hiéroglyphe de l'enfant-dieu le montre nu avec un doigt sur la bouche. Beaucoup d'historiens se sont mis le doigt dans l'œil en expliquant doctement qu'il s'agit là du geste d'un bébé qui met son doigt dans la bouche comme pour téter. Je penche plutôt pour une lecture plus harpocratique. Ce geste est celui du silence attaché à la connaissance des Mystères divins. En bouche close n'entre mouche, disent les rejetons du Trismégiste.
Les textes de Dendera précisent que la gestation d'un enfant-dieu dure 10 mois. On a du mal à sortir du ventre d'une déesse.
Dans les temples, on célébrait chaque année la naissance de l'enfant-dieu qui entrainait une régénération du temps et incarnait le potentiel vital destiné à s'épanouir jusqu'à l'âge adulte. Lors des rites pratiqués à cette occasion, c'est le roi lui-même qui joue le rôle de l'Enfant divin, ce qui lui permet d'actualiser son essence sacrée. La reine tient le rôle de la mère divine sous le nom générique de MOUT, mot qui désigne à la fois la Mère et la Mort.
Ce petit dieu combine en lui les images de la royauté divine et terrestre. Il porte souvent une longue tresse en spirale que l'on retrouve dans la coiffure des enfants royaux.
Dans les temples ptolémaïques, le dieu enfant désigne également le roi dans l'exercice de sa fonction sacerdotale.
Le Dieu-enfant le plus médiatisé reste le fils d'Aset et d'Ousir, Hor, que vous voyez ici entre sa mère et sa tante Nebhet.
N'oublions pas que pharaon est l'incarnation d'Hor sur la terre. Il est l'Hor vivant, rejeton des dieux et des déesses.
Les formes et les noms de ce dieu sont innombrables mais la plus connue est celle d'Harpocrate, parfois représenté dans le fourré de papyrus où sa mère lui donna naissance. A l'époque alexandrine, il devient le dieu du silence, des secrets et pour les alchimistes le symbole de la Pierre au Rouge et de la Pierre Philosophale.
Le mot Harpocrate est dérivé de l'égyptien Hor pa khered, soit Hor l'enfant.
IHY est, à Dendera et Edfou, l'enfant d'Hathor et Hor comparé à la naissance de la lumière à l'aube.
Il est souvent montré tenant en main le sistre de sa mère, ce qui en fait un dieu musicien exerçant ses talents lors des rituels dans le temple de Dendera. La racine de son nom est le verbe Jouer de la musique. Hathor elle-même est la Dame du sistre ou de la musique.
Autre lecture possible : Ihy serait un taurillon, ce qui est assez logique pour le fils d'une déesse qui prend volontiers la forme d'une vache divine.
Dans les Textes des sarcophages, Ihy déclare : Mes mains sont le sistre que ma mère Hathor se donne pour se calmer.
On sait que le sistre évoque le bruit du vent dans les fourrés de papyrus, une musique apaisante, familière à l'oreille d'un Egyptien.
Dans le domaine funéraire Ihy, avec l'aide de sa mère, favorise le passage des défunts dans la Douat et les aide à surmonter les épreuves qui les attendent dans l'au-delà.
Il est enfin associé aux flots de l'inondation dispensateurs de fécondité.
KHONSOU est un autre dieu enfant, bien connu des visiteurs de Karnak où il possède son propre temple construit sous le règne de Ramsès III dans la partie sud du téménos amonien.
Il est ici le rejeton d'Imn et de sa parèdre Mout, la déesse vautour.
A l'origine, c'est un dieu lunaire et pas très commode et non un bambin attendrissant.
Il porte sur la tête le disque solaire reposant sur le croissant de la nouvelle lune.
Son nom aussi est lunaire puisqu'il signifie l'Errant, Celui qui traverse le ciel.
Il est parfois représenté avec une tête de faucon et le plus souvent momifié, c'est à dire en phase de renaissance.
C'est un dieu complexe qui représente à l'origine le placenta de pharaon.
Il conçoit les destins et détermine la durée de vie de chaque homme.
Il possède des fonctions oraculaires, magiques et thérapeutiques.
Son temple de Karnak, situé tout près de la porte sud de l'enceinte amonienne, est d'ailleurs un sanatorium où les malades viennent consulter les thérapeutes de Sekhmet et de Serkhet.
Telle Sekhmet, Khonsou peut répandre maladies, pestilences et tumeurs mais aussi les guérir quand il devient Khonsou-Parfait-De-Clémence.
Nous terminerons notre enquête sur les Enfants-dieux avec NEFERTOUM, fils de Sekhmet et de Ptah dans l'antique sanctuaire de Memphis.
Son nom peut se comprendre comme Parfait d'être et de non être, ce qui en fait la composante enfantine du netjer héliopolitain Tem-Atoum.
Porteur de la tresse, un doigt sur la bouche, il est assis sur la fleur du lotus bleu primordial où il vient de naître.
Il peut revêtir l'aspect d'un homme léontocéphale.
Il est le netjer des parfums et des quintessences, le Seigneur des plantes mais aussi un dieu magicien et guérisseur, attaché en particulier aux soins des enfants.
Pour les alchimistes, il est le premier Feu qu'on allume au début des travaux. Le Feu qui est une énergie en transformation.
Son aspect guerrier, de Protecteur du Double Royaume, en fait une des divinités d'élection des Shemsou Hor à Bouto.
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