Le plus important reste les heures, les journées que j'ai perdues en Egypte sans rien lire, sans rien analyser, sans sortir d'un vagabondage aventureux et délicieux. Je ne me suis jamais habitué à ce royaume, j'ai voulu y revenir car j'avais le sentiment que je n'avais encore rien vu.
J'ai appris à ne pas marcher trop vite, à m'attarder jusqu'à ce que la nuit efface les contours et que l'Histoire se dilue dans des ressouvenances imprécises.
Relations sentimentales, fraternelles, affectueuses, amoureuses, le dos tourné à tout ce qui n'est pas du domaine du sensible.
Peu à peu s'est installée l'impression que rien ne serait jamais fixé, prévisible.
Il est préférable de retenir les choses insolites qui sont plus que de simples curiosités. Les temples pharaoniques ne sont pas destinés à prouver l'existence de Dieu mais ils suggèrent que des présences invisibles habitent aussi l'univers manifesté.
Je n'ai pas pris possession de l'Egypte, je l'ai laissée lentement m'investir sans opposer de résistance. J'ai parfois fait semblant de m'éloigner, j'ai fait demi-tour quand j'ai senti que le lien risquait de se rompre. Je reste les yeux fermés à l'intérieur du sarcophage. La porte ouverte par le vent, les couleurs atténuées sur le mur qui s'effondre, se liquéfie et baigne dans des nuances aériennes.
Si la fin est envisageable, elle reste peu probable. Il fait très chaud, les heures s'envolent, les nécropoles ne sortent plus de leur torpeur qu'à la troisième heure de la nuit.
Je me déplace sans faire de bruit pour ne pas effrayer les derniers survivants. Les anciens Kémitiens ne sont pas tous morts.
Je suis entré pour oublier le reste du monde et les modèles imposés partout ailleurs. J'ai désormais d'autres exigences.
La cour dessinée par le Fils de Hapou dans le temple de Louxor était déserte. Elle n'avait jamais été aussi vide, aussi belle, elle proposait l'impossible, l'indéfinissable. Elle était la récompense que l'on obtient quand on a su revenir au moment le plus intensément réel.
Ici, rien d'hostile ou d'inquiétant.
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