top of page

CIRCUMAMBULATION

Je regarde le temple comme si c'était la première fois. Ma tête est vide. Le temple a perturbé la marche du temps. Qui est ce Dieu qui s'écoule avec l'eau de la clepsydre ? Une brèche s'est ouverte.

C'est un dieu hostile, ne tolérant aucune présence humaine. Quand on s'approche, il envoie des signes et vous conseille de mettre la tête dans la gueule du loup. Le seul moyen pour s'en sortir est de devenir plus vulnérable encore, plus réceptif au Mystère.


A peine parti, j'ai eu l'envie de rebrousser chemin, de donner une autre orientation à mon existence de marcheur cataleptique. Dans cette région de Kemet croissaient autrefois des forêts aujourd'hui minéralisées. Des arbres pour conjurer le désordre, rendre plus perméables les limites entre les mondes.

Le risque était grand de poursuivre dans cette voie mais renoncer était la pire des solutions. Je suis descendu plus loin à l'intérieur de moi. Un orpailleur n'aurait pas tamisé plus soigneusement la rivière. J'ai multiplié les expéditions, je suis parti dans toutes les directions. Je suis revenu à mon point de départ mais tout avait changé autour de moi.


Personne ne sait où je suis. J'ai disparu des écrans. Je pourrais aussi bien être mort ou pourrir au pied d'une falaise. Peu résolu à attendre paisiblement, je m'étais jeté entre les pattes de la mort, pas très bavarde mais d'une fidélité sans faille.


Je m'étais aventuré un peu trop loin. Je n'arrivais pas à reprendre mon souffle. J'ai salué le Génie des lieux qui m'a ignoré. Pour me venger, j'ai pris l'air nonchalant de celui qui reste insensible à la beauté des paysages traversés. L'heure du goûter dissipa cette humeur morose qui me claquemurait dans un espace compartimenté.


Le chemin vers cet endroit où j'aimerais vivre parmi les graminées et les sanctuaires en ruines. Une Arcadie sans tristesse, sans souffrance, d'une gravité désabusée. Je me suis esquivé avant que le temps tourne à l'orage. Je revins plus tôt que prévu. Dans le temple d'Hathor à Dendera, à midi plein, les desservants de la Déesse s'installent dans les cryptes et dorment jusqu'aux premières lueurs du crépuscule.


Sur cet itinéraire, il fallait faire face à de nombreuses menaces, chiens sauvages, malfrats, insectes féroces, affrits, fausses pistes et indices éparpillés. J'étais libéré des contraintes du temps mais confronté à de nouvelles faiblesses.


On marche mieux si on est polythéiste car la Nature veille sur nous, dans la brume et au sommet des montagnes, sur le seuil des espaces depuis longtemps sacralisés par les rites.

Comments


bottom of page