Quand je regarde travailler le jardinier le monde devient supportable. Il s'occupait déjà du jardin du temps de mon père. Dans mon enfance, il m'a introduit dans le milieu magique des fleurs, des arbres, des mille formes de vie qui se cachent dans l'herbe et sous les pierres.
Les nuits de pleine lune, je dors dans le jardin. Je n'ai pas peur car il veille sur moi.
Je lui demandai un jour s'il lui arrivait de quitter le jardin. Non, répondit-il car je redoute les choses dérisoires tapies derrière la clôture. Je panique si je n'entends plus le bruit de l'eau courant dans les canaux. Je surveille les arbres pour vérifier qu'ils entretiennent de bons rapports de voisinage, ce qui leur permet de maintenir le désert à distance.
Pour tuer son frère, Seth l'entraîna hors des jardins du palais. Le sable boit plus vite le sang que la terre limoneuse. S'il n'était pas revenu dans le jardin, Seth serait resté impuni mais il aimait trop les succulentes laitues de Min.
On oublie que Seth est un dieu mélancolique qui use de la violence pour oublier, pour se souvenir qu'il n'a pas à ressembler à son frère. Ousir et Seth, des arbres dans un verger pour conjurer les tempêtes de sable, le mal de vivre, les accidents de parcours.
J'ai souvent aidé le jardinier à curer les canaux d'irrigation. Les mains dans la boue, nous étions plus heureux que des princes de sang. Il n'y a pas de plus noble tâche à accomplir.
Mon fidèle jardinier est un dieu bienfaisant. Je mourrai le jour où il disparaîtra derrière l'écorce d'un saule.
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