
On peut se demander pourquoi THOT, le netjer de l'intelligence, a un singe pour animal hypostase. Rien d'étonnant, les singes sont courants dans la pensée et l'iconographie égyptienne.
Leur nom générique est ky/ky qui s'écrit avec le déterminatif du babouin.
Le singes djehdjeh, qui saluent le soleil à son lever, sont présents sur la façade du grand temple d'Abou Simbel.
Les singes kirou sont des danseurs originaires de Nubie.
Les singes neferou font des gestes de joie pendant les rituels.
BEBON, un génie peu recommandable, est à l'origine un vieux babouin baveux, aux oreilles rouges et au derrière violacé. Maître de l'eau et du feu, il est batailleur et insolent. Il vaut mieux ne pas le croiser dans les couloirs de la Douat. Pourtant, en Magie, on l'invoque pour obtenir une bonne fortune.
TEM, le démiurge héliopolitain, peut être représenté en singe debout, les bras le long du corps.
Le singe est encore l'animal héraldique du dieu lune KHONSOU, le voyageur de la nuit.

Quant à THOT, c'est un cynocéphale nommé à Hermopolis HEDJOUR, le grand blanc. Il figure déjà sur la Palette de Narmer et son rôle était d'ouvrir les portes de la Douat.
Cet animal pas très commode et imprévisible, au museau de chien est à la fois le Soleil et la Lune et un adorateur du dieu solaire Rê. Cet animal est le Papio hamadryas à collerette. La Langue des cynocéphales est celle des initiés qui dansent et chantent rituellement lors du premier quartier et les nuits de pleine lune car l'arrière-train multicolore du simien ressemble au croissant et au globe de la lune réunis. Sous cet angle, il intègre dans son anatomie les éléments cosmiques dont Thot doit assumer la stabilité et la récurrence.
Le disque lunaire qu'il porte sur la tête est en jaspe rouge, son pénis est en quartz, il ouvre la bouche pour octroyer la vie, il a le pouvoir d'illuminer la terre de sa beauté.

Représenté assis, ce singe tient souvent dans les mains le matériel d'écriture, palette et calame. ce qui en fait le maître et l'inspirateur des scribes auxquels il enseigna l'écriture sacrée. Le signe de ce singe sert à écrire le nom du dieu mais se rapporte aussi aux verbes écrire, savoir, discerner, compter, dire et aux mots cœur et langue.

Il tient parfois dans les mains le signe Oudjat ou la plume de Maât.
Oudjat signifie sain ou santé car Thot est aussi une divinité de la médecine et de la guérison, aussi bien physique que mentale ou psychologique.
Présent en Egypte de manière endémique jusqu'au Moyen Empire, on le disait originaire du Pays de Pount.
C'est au Moyen Empire qu'apparaît le signe du singe dans l'écriture hiéroglyphique.
Amenhotep III fit ouvrir pour lui une nécropole souterraine à Tuna el Gabal, près d'Hermopolis où l'on conservait des singes momifiés et de nombreuses statuettes en bronze du dieu savant.

La Lune est pour les Egyptiens associée au décompte du temps, ce qui explique que le singe est aussi lié à la clepsydre ou horloge à eau qui permettait de mesurer le temps rituel pendant les heures de la nuit. On prétend qu'à chaque nouvelle lune, le cynocéphale criait et lâchait son urine dont la couleur citrine précède celle de la perfection au cours des opérations du Grand Œuvre.
Dans le mythe de la Lointaine, Rê fait appel à Thot sous la forme du singe pour calmer la fureur de la Lionne divine et la ramener en Egypte. Qui pouvait être plus qualifié que ce dieu connaissant le pouvoir des mots et des formules magiques !
Dans le contexte alchimique, le singe revêt une importance considérable. L'Alchimie suit la règle de l'Imitatio Naturae , sa devise est ARS SIMIA NATURA, l'Art imite, singe la Nature.
Le singe est une des formes du Mercure philosophal ou Mercure secret et le hiéroglyphe de la Fixité et de la virilité. En outre, il figure les facultés intellectuelles et techniques de l'homme au moyen desquelles il cherche à imiter et à perfectionner la nature, dit Robert Fludd.
Le singe, imitateur par excellence, guidé par l'analogie, est le signe de la MIMESIS.
L'Alchimie est aussi l'art de rassembler ce qui est épars. Or, le mythe osirien précise que c'est Thot singe qui indiqua à Isis où se trouvaient les fragments du corps d'Osiris.

J'aime les singeries de Thot-Hermès qui donnent aux longues veillées près de l'athanor un parfum d'aventures et de mystère. Pour mener les choses à terme, il faut y mettre son grain de sel mais aussi ajouter quelques grains de poivre qui font éternuer, ce qui peut aérer le cerveau et stimuler l'intelligence opérative. Le voyage se poursuit accroché à la Lune qui traverse le ciel et répand dans le laboratoire sa lumière cendrée. Une lumière appropriée pour déchiffrer les traités des vieux adeptes et les formules des Mages de Kemet. Thot est ce maître silencieux qui apprend à ne pas se prendre au sérieux, à avancer en quinconce, à ne pas hésiter à commencer par la fin parce que cela est beaucoup plus amusant. Les quatre marches qui mènent à son naos sont celles de l'Escalier des Sages.

Ma puissance est Seth ...
Ma protection est Bebon ...
Mon chemin est Nout ...
En coïncidence avec le Soleil et la Lune ...