Installé sous un arbre, le Fils de Hapou dessinait le plan de la cour du temple.
Il excellait dans cette architecture du vide que son esprit savait prendre en considération.
Cette manière de concevoir l'espace n'arrête pas la circulation des fluides.
Espace-non-espace, ni fermé ni ouvert, légèrement en surimpression d'une réalité contaminée par des projections mentales divergentes.
Le vide coïncide au moment où la tension de la corde de l'arc se relâche pour ne pas rendre le présent insupportable plus longtemps.
Le Fils de Hapou pensait que le fictif ne supporte pas le vide qui n'empêche pas l'impossible de s'accomplir.
Le vide sans imperfection, le plus proche parent de l'invisible palpable, est fondé sur la logique de l'existant, sur la mise en rotation de ce qui n'est pas événementiel.
Le vide au centre exact du cœur JB.
Le vide, un accident générant sa propre finitude pour museler l'irréductible avant qu'il ne devienne irréversible.
Le Fils de Hapou estimait qu'il ne fallait pas penser le temple avant de le construire. Dans l'absolu, il existait déjà dans les interstices, les lieux intermédiaires où sont incrustées des divinités comme TEM qui ose avouer qu'il est et qu'il n'est pas.
Une fois construit, le temple devient fragile, soumis aux variations de pression ou à la folie destructrice des hommes qui changent de dieu comme de pagne.
L'architecte doit faire en sorte que pour les humains le temple n'existe pas. C'est une des raisons pour lesquelles en Egypte, les fidèles ne sont pas admis à pénétrer dans les temples. Les murs d'enceinte repoussent les regards et l'avidité ainsi que les lectures superficielles. L'imagination elle-même peine à s'accommoder du vide.
Avant le Rituel de fondation du temple, Houy demandait au roi qui allait officier d'être le plus volatil possible, de ne pas donner au néant des indices de sa présence. Ne régnait-il pas sur un royaume double qui, avec le temps, apparaîtrait comme un pays sorti de l'imaginaire des mythographes. Les ruines abandonnées sur les rives du fleuve légendaire sont des leurres qui servent de tremplins aux fantasmes ou au besoin d'ajustements avec un monde dont nous sommes aujourd'hui incapables d'appréhender la réalité. Rien n'est plus éloigné du réel que le vide dont les changements ne sont pas sans importance. Le vide à l'identité en devenir, dans un contexte qui lui fournit l'occasion d'emprunter toutes les lignes de fuite.
Houy avait l'art de semer le doute dans l'esprit du roi ou celui des pontifes dirigeant les cités sacerdotales. Comment pouvaient-ils comprendre qu'ils évoluaient dans le vide ?
Sans se lasser, il leur disait : Tout ira bien tant que vous resterez insaisissables en occultant les moments de transition entre l'être et le non-être. Vous n'avez rien à expliquer, rien à prouver, vous êtes l'actualité très provisoire du vide qui structure et déstructure le temple.
N'oubliez pas, le mot HOTEP signifie à la fois vide et plénitude. Il transforme le mental en spirituel, expurge le trop plein mortifère.
Quand le roi traversa la cour pour la première fois, il se divinisa.
Comments