ANASTYLOSE : technique archéologique consistant à reconstruire un monument en ruines à partir des éléments originaux trouvés sur place.
Le temple en ruines a imprimé sa présence dans l'espace qu'il occupait jadis. Il attend le monde qui vient. Il sait pourtant que ce monde n'apportera rien de nouveau, rien qui ne puisse activer la circulation des fluides.
Même un temple inachevé peut être en ruines. Au fond, les Egyptiens n'achevaient jamais vraiment leurs temples. Ils les construisaient, les déconstruisaient, les reconstruisaient. Les maçons, les architectes, les artisans ne connaissaient pas de trêve.
Quand le dernier chantier s'arrêta, Kemet s'effondra.
Georges Legrain remonta une à une les colonnes de la salle hypostyle de Karnak. La nuit, il venait caresser les tambours frappés de signes divins. En quelques secondes, un séisme ruina des années de travail. L'archéologue et ses maçons se remirent à l'œuvre, les arbres repoussèrent, l'ombre recommença à jouer avec la lumière.
Pour le félin qui se promène dans un effondrement de pierres, rien n'a changé. Ses moustaches détectent les crépitements qui n'ont jamais cessé de circuler. Un chat ne peut pas voler comme un oiseau mais il sait se déplacer en ondulant dans les espaces où d'ordinaire se meuvent les Esprits.
Dans les ruines, il est facile d'oublier le temps, de se perdre dans l'espace, de ne plus retrouver son chemin. Elles nous permettent de faire l'expérience des choses qui se dérobent et de celles qui refusent de s'effacer.
Un temple en ruines est un corps démembré. Une variante de la saga osirienne révèle qu'Aset ne reconstitua pas le corps du dieu mais dispersa ses membres dans le Royaume Double afin de féconder de nouveaux sanctuaires, d'autres rites.
Quand ils édifient un nouveau sanctuaire sur l'emplacement d'un plus ancien, les Egyptiens recueillent quelques pierres pour les intégrer à la nouvelle construction. Schwaller de Lubicz a nommé cela les pierres d'ensemencement.
Les chamans trouvent la force de combattre les Esprits contraires dans les téménos abandonnés. Un téménos ne s'épuise jamais tout à fait car c'est un lieu choisi par une divinité soucieuse de fraterniser avec les hommes sur un territoire où se côtoient les conjonctions et les affrontements.
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