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70 jours

Depuis plusieurs jours, ils s'enfonçaient dans le désert. Le prince Amenhotep ne connaissait pas l'homme à qui Houy l'avait confié. Il devina vite qu'il s'agissait d'un Shemsou Hor prêt à affronter toutes les situations.

Où allons-nous ? lui demanda-t-il le premier jour. Il répondit : Sommes-nous censés aller quelque part ? Le prince Imy comprit alors qu'il n'en saurait pas plus, qu'il fallait simplement attendre la suite des évènements.



Le jeune prince, fils d'Amenhotep III et de Tiyi, était d'un naturel un peu trop sérieux, quoique doté d'un esprit moqueur. Il singeait les gestes du Shemsou, adoptait ses tics de langage et s'efforçait de marcher à grandes enjambées en lui disant : Pourquoi marcher si vite ? Tu as hâte de te débarrasser de moi, de livrer ton colis ?

Le guerrier ne prit pas la peine de lui répondre. Il augmenta encore un peu le rythme de la marche.

Imy était persuadé qu'ils allaient à la rencontre de quelque chose ou de quelqu'un d'important. On ne s'aventure pas pour rien dans un désert peuplé de créatures fabuleuses et de mirages plus vrais que nature.

Il n'aimait pas marcher derrière quelqu'un mais le Shemsou lui avait intimé l'ordre de le suivre sans jamais le perdre de vue. Parfois, il s'arrêtait et le laissait prendre un peu d'avance. Un jour, il disparut à l'horizon et le prince fut ravi de se retrouver seul. Il sursauta quand le guerrier se retrouva à ses côtés et lui murmura : Ce qui existe ne se montre pas, le vrai roi de Kemet doit rester invisible.

Ses paroles laissèrent perplexe l'adolescent. Il songea aux comportements ostentatoires de son père qui évoluait dans le faste et la représentation.

- Es-tu satisfait de ton sort, mon prince ?

- On ne peut répondre à cette question qu'au moment de mourir.

- Alors, poursuivons notre route en nous rendant plus légers.


Les nuits se succédaient et Amemhotep les trouvait de plus en plus particulières. Il aimait l'incertitude de la 7e heure, l'obscurité totale des nuits sans lune et le froid vif du petit matin. Il avait fini par redouter le lever du soleil qui révélait les contours mais aussi la fadeur du monde. Il préférait cet astre noir qui pourrissait au fil des heures. Il aurait voulu retarder le moment de son apparition.

Il partageait ses idées avec le Shemsou qui le comprenait car les zones d'ombre n'avaient aucun secret pour lui. Il lui disait : Tu t'habitueras à vivre entre la fraîcheur de l'ombre et l'aridité de la lumière. Nous sommes dans le désert, dans le vide, pour apprendre à ne rien faire, à ne pas imposer aux autres nos paroles et nos désirs.

Imy, qui n'était pas d'une nature bavarde, trouva cette proposition séduisante, tout en restant persuadé que, pour un roi, elle était impossible à mettre en œuvre dans un monde où tournoient les prédateurs loquaces.


Assis sur un rocher, le prince laissait couler du sable entre ses doigts. Le guerrier déclara : Le sable fait aussi partie de ton royaume.


Quand il revint au palais, le reine Tiyi lui apprit la nouvelle : Ton père est mort le lendemain de ton départ, il y a 70 jours. Le faucon s'est envolé. Il est osirifié mais nous t'attendions pour pratiquer le Rituel d'ouverture de la bouche afin que tu puisses devenir le nouveau roi de Kemet.

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