LE TEMPLE DE DJEHOUTY
- scakhepri
- 10 mai
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Depuis longtemps déjà j'avais entendu parler d'un temple consacré à Djéhouty dans l'austérité de la montagne thébaine. Je tins pour des affabulateurs ceux qui m'en parlèrent, prétendant l'avoir vu alors qu'ils étaient incapables de me donner la moindre indication pour s'y rendre.
On le disait construit sur le mode pountite avec l'ajustement parfait de blocs énormes. Ici, rien ne pouvait perturber la transmission des souvenirs anciens. Le dieu avait longtemps honoré les lieux de sa présence avant de suivre les oiseaux migrateurs en route vers un sud au puissant magnétisme.
Les exégètes prétendaient que Djéhouty était un netjer d'origine incertaine . Comme il portait un masque jamais personne n'avait pu contempler son visage originel. Ses prêtres célébraient des rites dont ils comprenaient la pertinence. Il s'agissait de rendre l'ineffable perceptible pendant de cours instants. Toute l'architecture du temple était au service du bon déroulement des rites. Le dieu avait calculé les espacements entre les colonnes, la dimension des chambres d'écho, l'orientation des axes et l'agencement des dalles du sol, polies comme des miroirs. Une topographie particulière permettait de faire fusionner les réseaux telluriques et cosmiques de façon à pouvoir changer le cours du destin.

Le dieu qui se dissimulait parfois dans le corps d'un cynocéphale savait aussi rendre son temple invisible. aux yeux des impies qui doutaient de son existence et ne posaient rien sur ses tables d'offrandes. Les singes vivent libres dans les forêts pluvieuses du continent noir. Comme le dieu, ils mènent une existence aérienne et peuvent accomplir des bonds prodigieux. Thot retombe toujours sur ses pattes et sait que la vie d'un dieu égyptien vaut la peine d'être vécue, surtout s'il méprise les dévots pleurnichards. Les sages ne lui demandent rien d'autre que de percer ses énigmes.

Pendant des mois j'ai marché vers le sud sans autre espoir que de me trouver devant le temple de l'bis mangeur de serpents. Un soir, au crépuscule, je le découvris enfin, à peine visible dans les lumières intermédiaires. Je m'approchai en tremblant de peur et d'émotion. Un Gardien à tête de lièvre m'arrêta alors que j'allais franchir le seuil :
Halte, mécréant, on n'entre pas au débotté dans le palais fermé du roi.
Sois charitable, je cherche depuis si longtemps, laisse - moi entrer.
Il y a deux solutions : soit tu acceptes de mourir sur le champ soit tu attends un rendez-vous.
Je préfère le rendez-vous.
Dans ce cas, tu n'es pas au bout de tes peines, la liste d'attente est trois fois très longue et nous n'avons pas le planning du dieu pour les siècles à venir. D'ailleurs Djéhouty n'est pas ici.
J'étais certain qu'il mentait car les oriflammes flottaient au-dessus des pylônes, attestant que le dieu était dans sa maison.
Il n'y a rien de plus sournois qu'un gardien du seuil et de plus horripilant qu'un dieu qui se dérobe.

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