LE VOYAGE RITUEL
- scakhepri
- 24 juin
- 2 min de lecture
600e POST DU BLOG
J'attendais cet instant où le rituel allait basculer dans l'efficacité. Jamais assez de silence pour laisser aux formules le loisir de se faire entendre. Un silence fluide qui ne fait pas vaciller les flammes, ne boit pas les volutes de l'encens et les éruptions du volcan intérieur.
Le rituel ne fait pas rajeunir mais il évite d'être touché par l'entropie. Je traverse la cour du temple sans savoir qui marche derrière moi, lionne, phénix ou chimères, petits Esprits façonnés par un dieu qui s'ennuie.
A midi plein, dans la chaleur torride, le silence diffuse de la fraîcheur, tient à l'écart les antagonismes. J'aime ces heures où l'on fait revivre les rituels.
Eviter de penser pendant le rite, mettre le monde entre parenthèses, ne plus se raconter d'histoires mais devenir l'inimaginable.
A midi plein, Imen-Amon n'appartient plus à personne. Sur les parois, ses images se sont évaporées. Il ne reste que la perfection des hiéroglyphes équilibrant les formes et les volumes. IMN est ce netjer impossible à saisir sauf lors du rite. C'est lui peut-être qui marche derrière moi en restant inexplicablement lointain.
Le rituel dénoue les liens, abolit les contraintes. Un pagne long couvre les jambes de l'officiant. Ses pieds glissent sur les dalles de basalte. Je vois un serpent onduler sur le Noir intense venu de la profondeur des carrières. Dans la salle hypostyle souffle le vent amonien venu du nord. En brûlant, le Benou calcine toutes mes imperfections et m'installe dans l'éphémère. Si rien ne dure, tout est encore possible. Je ne sais plus si les portes du temple sont ouvertes ou closes. Je ne fermerai pas les yeux, je laisse l'émotion m'investir. Je ne perds rien de la beauté des gestes.

Les statues tournées vers le naos ont la couleur verte du compost. D'autres commencent à sortir de la crypte. Fragments oubliés au fond de la minière. Les statues ne meurent pas. Même le nez brisé elles continuent à respirer, les pieds coupés, elles marchent encore. Aucun son n'échappe à leurs oreilles mutilées. Elles ont adopté une posture rituelle pour rester vivantes et en alerte.
Pendant le rite rien ne se désagrège, surtout lors de la traversée des 12 heures de la Nuit.
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