Imprévisible

Le jour et la nuit en même temps dans l'espace à la fois ouvert et fermé d'un temple à la maturité en cours après avoir brûlé toutes ses entraves. Des souvenirs très enfouis sous les apparences trompeuses d'une minéralité étrangère à la physique du monde réel. Je perçois ce qui n'a jamais été vraiment visible. Clartés et gouffres obscurs se succèdent sans interruption. Sur les murs polis avec du sable le plus fin des images révèlent la quasi perfection de la géométrie kémitienne. Des rois, des dieux, des pontifes, des entités étrangères à notre galaxie. Un entrelacs de tensions, de pulsions, de vif et de mort mais où le Volatil l'emporte toujours sur le Fixe. Temples en suspension, sur le point de se retourner, de basculer dans un imprévisible, impossible à anticiper. Quand la statue arrive dans la salle hypostyle, le polissage n'est pas tout à fait achevé. L'artiste la peaufinera jusqu'à ce qu'elle devienne vivante et mourra à l'instant où elle commencera à respirer. Dans le petit restaurant où nous déjeunions après la visite du site, je me fis cette réflexion : une vie peut-elle en remplacer une autre ? Tout cela ne tient qu'à un fil. Thotmès était sculpteur mais il ne voulait pas mourir. Il n'achevait aucune de ses œuvres. Je l'ai rencontré une fois sur le chemin au bord de la falaise qui mène de Deir el Bahari à la Vallée des rois. Je n'ai rien pu lui demander car mon maître m'avait interdit de lui parler.