J'étais très attaché aux choses qui avaient disparu. Trop attaché. Elles ne m'ont pas souvent payé en retour et je pensais avoir fini par les oublier. Au fil des siècles, j'avais collationné plusieurs mobiliers funéraires et fait appel aux meilleurs artisans pour peaufiner sarcophages, masques, bijoux, coffres, vêtements, vases de calcite, ensemble de minéraux, de végétaux, d'objets rares sacralisés par les rituels au point de les rendre transparents. Ils avaient acquis la patine que seuls donnent des siècles de contemplation silencieuse. Ils m'accompagnaient et rendaient plus prégnante mon éternité.
Kemet envisage la création de l'intérieur, ne tient aucun compte du provisoire tout en privilégiant l'aléatoire. Tout est Hic et Nunc, je suis ici mais aussi ailleurs. Ici de manière provisoire, ailleurs devant et derrière l'Horizon Akhet. Le Fixe et le Volatil, le lourd qui devient léger, le temps qui s'étire et se rétracte, se délite, s'enroule autour d'un axe qui n'est pas celui de cette planète.
Dans la syringe se croisent les mouvements ascendants et descendants, le haut et le bas se confondent, les perspectives se multiplient, les dynamismes s'inversent, tout revient quand tout semblait perdu à tout jamais, les dieux changent de forme et nous devons nous adapter à un système en perpétuelles métamorphoses.
Le voyageur accepte de perdre ses repères, de s'orienter en suivant la course d'étoiles disparues, de remonter le courant d'un fleuve souterrain qui autrefois irriguait les rives d'un royaume prospère, producteur de richesses innombrables. Les bouleversements ne sont pas des malédictions mais des bienfaits.
A l'ombre des sycomores, les BAOU boivent dans des coupes d'albâtre des fluides permettant de franchir sans encombre les inconvénients d'un passage sur Terre, les aléas suscités par un Netjer trop intelligent pour ne pas nous laisser croire que nous avons existé en dehors des périodes où nous pratiquions des rituels.
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