Sans ses dieux et ses déesses, l'Egypte ne nous serait d'aucun secours.
Ses momies sont les fragments d'une éternité légère et rassurante.
Ousir et Seth s'entretiennent dans le désert. Ils ont beaucoup à se dire sur les jardins de Kemet.
La terreur mystique s'ancre dans la pensée que les dieux n'existent pas, n'existent plus, ne se sont pas encore manifestés.
Maât, un ange à qui on cherche à couper les ailes, se déplace dans la lumière éblouissante du soleil pour ne pas être prise en chasse. Elle imagine un univers où tout serait exactement à sa place.
La lumière de Khemenou n'est pas celle d'Iounou. A Nekhen est enfouie la lumière des astres qui se sont éteints. Le Vautour de Nekhbet tire sa vitalité des chairs en apparence mortes.
Comment ne pas penser à la mort si on vit dans l'entourage immédiat de Sekhmet. Pourtant
les lionnes sont aussi maternelles que les chattes. En entrant à Bubastis, j'ai eu une peur rétrospective en découvrant que Bastet était Sekhmet il n'y a pas si longtemps encore.
Chaque année, Amenhotep Fils de Hapou résidait un moment en Abydos, à Bubastis, à Medinet Madi, à Serabit el Kadim mais il préférait les lieux sacrés où l'on garde le silence et pratique à l'envers les circumambulations. Il appréciait aussi les lieux à forte imprégnation métaphysique comme Henen Nesout. Il déclarait à ses disciples : Si tu n'as rien compris au fonctionnement ou au dysfonctionnement du divin, contente - toi d'être un homme qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez et qui, tous les jours, trouve de quoi satisfaire ses appétits, de quoi être heureux sans se poser des questions destinées à rester sans réponses. Le dieu de Khemenou ricane dans sa barbe tressée.
Des siècles plus tard, je ne peux me passer de ce sage intrigant. Je surveille ses allées et venues. Je m'adapte à ses rythmes, je le regarde dormir, je recueille des bribes de son mystère, j'ose même des tentatives de séduction. Il reste sourd à tous mes appels du pied. Il finit par me dire que je n'existe pas. Pour me venger, je ne pose plus rien sur ses tables d'offrandes.
Quelques millénaires de civilisation, quelques centaines de divinités, 800 hiéroglyphes de base, des noms secrets pour égarer les historiens, une poignée d'or mussif et l'espoir que la fatalité est vaincue dans les chambres inviolées des pyramides.
Un dieu serpent est recroquevillé dans ma tête.
Il n'a pas réussi à me chasser du Double Royaume.
Comentarios