Il habitait dans les installations en ruine d'une mine installée contre une montagne désertique. Une source intermittente permettait d'y survivre.
Il ne s'était pas isolé par peur du monde ou par rébellion contre ses profondeurs, il voulait savoir jusqu'où il pouvait aller dans la perception de l'irréalité.
L'érémitisme peut facilement devenir une expérience spirituelle stérile. Il ne suffit pas de se réfugier dans la solitude pour être un sage, tout au moins ce qu'on considère comme un sage en état hetep.
Il n'était pas inactif mais en attente, à l'affût, prêt à réagir à la moindre sollicitation des manifestations non-ordinaires insérées dans les altérations de la conscience.
Le désert pulvérise l'ennui et ramène à la réalité immédiate. L'objectif est de survivre une heure encore et non pas de résoudre les secrets de l'univers. Les reptations du sable deviennent des évènements considérables. Dans le désert, rien n'est douteux ou méprisable, pourtant on peut l'aimer sans réserve.
Il ne laissait pas remonter les souvenirs de sa vie d'avant. Les vents se sable avaient poli toutes les aspérités, éliminé les aversions, réglé son compte à la désinvolture.
Celui qui ne parle plus ne peut être piégé par les mots, les abus de langage, le manque de rigueur des raisonnements.
Ici, les démiurges qui créent par le Verbe n'ont pas leur mot à dire. Ils restent vivants tant qu'ils ne sortent pas du silence car alors tout est encore possible. Se passer de mots est un exercice périlleux mais salutaire.
La disparition subite du prince Amenhotep avait mis le Cour en émoi. Sa mère, la reine Tiyi, n'ignorait rien de ses anxiétés spirituelles mais espérait qu'elles ne le dévoreraient pas. Son fils n'appréciait pas l'univers invraisemblable de la Maison royale où l'on vivait en orbite autour d'une lénifiante splendeur.
Persuadée que Le Fils de Hapou savait où se cachait le prince, elle l'interrogea longuement. Le vieux renard ne lui livra aucune information utile mais la rassura à demi en lui disant qu'il reviendrait car personne n'échappe à son destin, à moins que les hasards ne trouvent pas leur voie. Rien n'a plus d'attrait que de s'installer un moment dans cette liberté supérieure que procure la solitude.
Le futur Akhnaton ne serait jamais un galérien de la nuance, assujetti aux contingences d'une fonction, aussi prestigieuse fût-elle, en équilibre entre le Vital et le Conscient.
Dans le désert, les clairvoyants sont aveuglés par les lumières coupantes qui percutent les dunes et les barrières minérales.
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