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Un état de subversion

Amenhotep Fils de Hapou : Les chiens sont heureux quand ils vivent près de leur maître. Les maîtres son ravis quand leurs chiens feignent de les prendre pour tels.

Il est préférable de tracer une ligne de démarcation entre ce que nous savons et ce que nous nous acharnons à ignorer. Pour certains hommes, l'ignorance peut relever d'un art de vivre. Thot déteste ce genre d'individus et les conduit droit dans le mur.




Mon ami Pépinakht préfére vivre en ascète. Il prétend que c'est plus reposant que d'exercer une charge sacerdotale ou un emploi de cuisinier au palais royal. Je lui donne raison à un détail près : je refuse l'austérité de la vie ascétique, je suis un fervent partisan des plaisirs et de la joie de vivre. Nous serions moins malheureux si nous étions moins sentencieux et si certains dieux cessaient de nous tourmenter pour s'occuper de leurs affaires. Djéhouty aime se mêler de tout mais il le fait pour nous rendre service, avec toutefois pas mal de malice et d'espièglerie. Aset, qui est une bonne fille, va fourrer son museau de fouine partout pour nous éviter de tourner en rond, tant nous sommes persuadés d'être plus malins que la moyenne des imbéciles heureux.


Certains me reprochent de faire trop souvent référence aux dieux et aux déesses. J'avoue que je parle moins des humains qui, pour moi, souvent, sont des repoussoirs. Les animaux, en particulier les chats, sont des créatures plus fiables. Il y a quelque temps j'ai visité un temple que je ne connaissais pas et où vivait une communauté de chercheurs qui lisaient, écrivaient, cogitaient et tenaient le silence pour la plus noble des vertus. J'aurais aimé les interroger sur la pertinence de leur démarche mais je n'ai pu en tirer un seul mot. Je suis reparti la queue entre les jambes. Le lendemain, je leur ai fait livrer de riches offrandes. Je me garderai bien de vous révéler l'emplacement de ce lieu pur et saint.


Un scribe qu'on disait sage m'a déclaré : Il faut toujours être à la bonne place au bon moment. J'ai passé ma vie à être ailleurs en ne tenant aucun compte des aléas du temps. Maât est la plus insaisissable de nos divinités. C'est ce qui fait tout son charme. Elle me sidère, me submerge, je ne puis épuiser sa vastitude. Il ne suffit pas de prononcer à haute voix son nom pour atteindre l'état Hotep et provoquer des envies de subversion. En me rapprochant d'elle, je me demande ce que je vais lui dire pour ne pas avoir l'air trop empoté et insignifiant.


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