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Tem, Djéhouty et Bès

Nous vivons dans les ruines de croyances passées. Nous en sommes réduits à redéfinir sans cesse nos dieux et à rafistoler nos vieilles mythologies. Les Kémitiens avaient aussi compris cela mais ils s'en tirèrent avec élégance jusqu'à ce que des Barbares leur tombent sur le râble et viennent leur manger le lin sur le dos.

Ils n'essayèrent pas de définir une éthique du bonheur ou du salut individuel. Ils préférèrent contempler les nénuphars et se mettre sous la protection d'amulettes performantes. Ils auraient préféré en somme que Tem reste assoupi dans le Noun. Pour le neutraliser, ils l'enveloppèrent dans une cosmologie compliquée à l'extrême, inaccessible à la plupart des fidèles. Toutefois, ils ne parvinrent pas à en faire un netjer présentable et rassurant.


Avec Djéhouty-Thot les choses se présentent différemment car il nous entraîne à penser et à envisager le monde chaque jour autrement. Moins de continuité et plus de ruptures, une mémoire sélective dont l'objectif est une désorientation salutaire, l'abandon des débris encombrants. Il nous suggère que nous sommes tels que nous ne pouvons l'imaginer, en retrait, en décalage, en apesanteur et peut-être en décomposition. Thot serait-il le seul dieu que les humains ne laissent pas indifférent ? Un netjer bienveillant pour nous soustraire au temps, à la violence du chaos, au refus obstiné du changement.


L'ordre prôné par Bès est celui que l'on connaît pendant le sommeil. Ce dieu-gnome, présent dans les chambres à coucher, danse la nuit pour faire remonter les rêves des profondeurs. Au réveil, nos rêves nous laissent nostalgiques. Nous préférerions continuer à flotter sur une planète destinée à l'errance.

Bès ne passe pas son temps à scruter les astres, il joue du tambourin pour attirer l'attention des Esprits qui vivent à l'autre bout de la galaxie et viennent ensemencer nos visions nocturnes Il nous entraîne dans une forme d'incohérence qui rend nos existences plus légères, fait de nous des danseurs tels Nataraja ou Dionysos. Je danse donc je suis. Il est plus agréable de ressembler à un nain voltigeur qu'à un ibis au bec recourbé pour saisir les serpents dans la vase.

Est-il préférable qu'il n'y ait rien plutôt que quelque chose, se demandaient les métaphysiciens d'Héliopolis .Qui alimente notre KA et classe les données dans les casiers de nos mémoires ? Qui ose nous dire que les nains tirant la langue sont les plus beaux de tous les dieux ?

Nous ne nous déplacerons plus que pour célébrer les Mystères de nos daïmons intérieurs.

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