Comme Akhnaton qui lui plaisait tant, Shadi Abdel Salam était le plus hérétique réalisateur du cinéma égyptien
Fait rare dans le cinéma égyptien, l'Egypte pharaonique était au centre de son œuvre et la source de son inspiration.
Son premier court métrage est tiré d'un texte célèbre de la littérature égyptienne, Le Paysan éloquent. Il est aussi l'auteur de documentaires pédagogiques destinés aux enfants : Le trône de Toutankhamon, Avant les pyramides, A propos de Ramsès, Les Armées du soleil, Horizons.
Homme raffiné et impressionnant, Shadi Abdel Salam était un artiste complet, né le 15 mars 1930 à Alexandrie. Il était tout à la fois peintre, décorateur, concepteur de costumes pour le cinéma, habile à reconstituer une ambiance toujours très fidèle à l'esprit de l'Egypte ancienne et installée dans des décors naturels. Il croyait à la continuité de l'héritage de la civilisation égyptienne.
Il enseigna également l'architecture à l'Institut du cinéma du Caire et étudia l'art dramatique à Oxford.
Sa carrière cinématographie commença avec les plus grands réalisateurs :
En 1963, il est le costumier et décorateur du film de Youssef Chahine, Saladin.
La même année, il est assistant-décorateur pour le Cléopâtre de Joseph Mankiewicz.
En 1966, il est conseiller artistique du film polonais Pharaon, de Jerzy Kawalerowicz.
En 1967, il est co-scénariste et directeur artistique pour l'épisode consacré à l'Egypte dans la série La lutte de l'homme pour la survie, de Roberto Rossellini.
En 1968, il est nommé directeur du Centre du cinéma expérimental du Caire.
Cette même année, il entreprend le tournage de son long métrage le plus célèbre, LA MOMIE qui obtint de nombreux prix internationaux dont le prix de la critique à la Mostra de Venise. Film qui ne sortira au Caire qu'en 1975, dans une seule salle.
LA MOMIE, dont le premier titre était Et ils furent inhumés une seconde fois, raconte l'histoire de la cache des momies royales de Deir-el-Bahari découverte par une famille de pilleurs d'antiquités de la rive ouest de Louxor. Ce film bien documenté aborde la question de l'immortalité de l'Egypte ancienne et de la nécessité de préserver son irremplaçable patrimoine. Shadi dénonce le pillage des antiquités et la nécessité de préserver l'héritage des anciens Egyptiens. Dans le décor ocre des sables du désert, il habilla en noir les protagonistes de l'histoire et fit réaliser des sarcophages identiques à ceux de la cachette.
L'action du film se déroule en une journée, tous les acteurs sont des non-professionnels, vierges disait-il. L'histoire abordée est, au fond, une recherche de l'identité égyptienne et la mise en relief de son prestigieux passé. Thèmes fort peu exploités par le cinéma égyptien.
Son projet le plus ambitieux fut le tournage d'un film consacré à Akhnaton, pharaon hérétique de la XVIIIe dynastie, dont le titre est La tragédie de la Grande Maison.
Pour le réaliser, il se livra à une préparation d'une quinzaine d'années à partir de recherches historiques et archéologiques.
Il fit fabriquer les bijoux, les meubles, les costumes, les sceptres, les barques et les chars que l'on devait voir dans le film. Il voulait recréer la beauté et le raffinement de l'époque des pharaons, allant jusqu'à respecter le poids des bijoux et à les faire exécuter en or et pierres véritables.
Il reste du projet de splendides aquarelles, des pastels et des lavis de Shadi dont le portrait d'Akhnaton que vous pouvez voir en fin de texte.
Il voulait aussi que ses acteurs soient en parfaite adéquation avec l'époque envisagée :
Avant de commencer le tournage, je vais apprendre à mes comédiens les rythmes, les gestes, les attitudes d'il y a trois mille ans. Il faut qu'ils sachent marcher pieds nus, le plus naturellement du monde, dans le sable brûlant.
Il s'agit d'une véritable résurrection d'Akhnaton, une tragédie envisagée dans ses plus infimes détails qui permettrait de comprendre l'histoire de ce souverain visionnaire et hors du commun.
Mon film sera une page d'histoire. Je raconte les vingt années de règne pendant lesquelles le Nouvel Empire a failli s'écrouler, il y a plus de trois mille ans ! Une page capitale dans laquelle mes contemporains se retrouveront peut-être.
Ce film qui devait être fastueux nécessitait un budget de 2 milliards et demi de centimes avec plus de mille figurants, des centaines de chars et de chevaux, des objets en or, une profusion de luxe dans les plus beaux décors de Kemet.
Faute d'avoir trouvé un financement au projet, le tournage n'avait toujours pas commencé quand le réalisateur mourut au Caire le 8 octobre 1986. Les assistants du Chevalier du cinéma égyptien ont toujours l'intention de relancer le projet. Nous rêvons !
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