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Sandales dans le désert


Je me dis que je suis dans un cercle d'étrangetés dont on ne sort jamais.

Nicolas de Staël.


Itisen avait depuis longtemps sondé ses failles et tenté de les colmater en faisant appel à la subtilité de la pensée égyptienne oscillant entre l'instant présent et une certaine idée de l'éternité. Elle fait peu de place aux contingences inhérentes à la fragilité du vivant. Toutefois, elle ménage sans cesse des ouvertures, s'engage sans faillir dans les couloirs des labyrinthes où pullulent des hybrides, des merveilles, des accidents de parcours, des rencontres, des transparences et des opacités.


Itisen redoutait surtout les verrouillages menaçant d'interrompre une histoire qui n'était pas finie. Au début, pour éviter cela, il traçait des itinéraires approximatifs dans le sillage des divinités de la famille thotienne qui ne sont jamais là où on les attend et ne se souviennent que de ce qui ne fonctionne pas selon un temps linéaire. Il ne restait déjà plus rien de sauvage dans les hiéroglyphes des premières dynasties. Dans un royaume double, les signes maintiennent l'équilibre entre Hor et Seth et sont le refuge de ce qui n'est pas destiné à disparaître entre expansion et concentration.



S'intéresser seulement aux mondes connus n'est pas satisfaisant pour l'esprit. Itisen recherchait le non semblable, ce qui perdure au-delà des limites de la survie, dans le ventre des femmes enceintes visitées de songes. Il appréciait les êtres ayant conservé une part de férocité qui les rendent inexplicables et quelquefois effrayants.


Quand il ne pouvait plus supporter d'être cerné par la médiocrité, Itisen retournait dans le désert. L'Egypte est une oasis au milieu d'immenses étendues désertiques. La pensée égyptienne est nourrie par le silence et la solitude de ses déserts. Elle ne traite pas de la réalité apparente mais du Réel enveloppé dans les franges du mystère d'exister, dans les replis d'une inaltérable altérité.

S'agissait-il d'un mode de pensée contaminé par le vide, susceptible de descendre dans les abysses sans éprouver le besoin de remonter à la surface ? Le désert vomit ce qui est devenu inutile. Ici, impossible de fixer un centre, d'évaluer complètement les distances.


Assis au sommet d'une dune, Itisen contempla pendant des heures ses sandales de papyrus posées sur le sable qui, lentement, les recouvrait.




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